La rentrée du Prophète (SAW) et ses compagnons exilés avec lui à la ville de Médine était un évènement décisif en Islam : c'est la grande Hijra, c'est-à-dire l'exil volontaire pour l'amour de Dieu.
Les musulmans de Médine étaient conscients de la valeur de l'évènement et ils se disputèrent l'honneur d'accueillir le Prophète (SAW) dans leurs maisons. Mais le Messager de Dieu (SAW) trancha rapidement les discutions en informant tous ses accueillant que sa chamelle, sous l'ordre de Dieu, va, elle-même, désigner son futur lieu de résidence provisoire. Et devant l'impatience de tous les accueillant, la chamelle s'arrêta devant l'un des Ansars appelé Abou Ayyoub qui eut l'honneur d'être l'hôte de la personnalité la plus digne de l'univers.
Après l'arrivée du prophète (SAW) à Médine, cette ville connut la paix pour la première fois depuis cent vingt ans pendant lesquelles ses deux grandes tribus : Les Aous et les Khazrejs s'entredéchiraient sans merci ; alors que les tribus juives voisines tiraient un grand profit et ne manquaient jamais d'attiser le feu de la guerre chaque fois qu'il commence à s'éteindre.
Ainsi, la Hijra pacifia les deux tribus de Médine et annula le rôle diabolique de leurs voisins juifs... Et chaque fois que l'unité des Ansar était menacée par un nouveau complot, le Messager de Dieu (SAW) intervenait pour ramener la paix.
Les musulmans immigrés à Médine devenaient de plus en plus nombreux et ils étaient généralement déshérités et démunis après la saisie de leurs biens par les idolâtres. Le Prophète (SAW) fraternisa ces nouveaux venus avec les Ansars avec les exilés pour l'amour de Dieu appelés Mouhajirines la première société musulmane fut établie pour concrétiser les aspects sociaux du message de l'islam.
Pour protéger Médine contre toute incursion ou trahison, le Messager de Dieu (SAW) conclut rapidement des pactes et des traités avec les tribus vivant au voisinage de la cité musulmane.
Pour récupérer une partie des biens que les mécréants avaient saisis à la Mecque et pour réduire de l'autorité de la tribu de Qouraych parmi les Arabes, le Prophète (SAW) organisa des incursions contre les caravanes commerciales des têtes de l’idolâtrie mecquoise.
C'était ainsi que le premier affrontement armé entre les musulmans et les idolâtres eut lieu aux alentours des puits de Badr, et ce fut alors la célèbre bataille de Badr qui avait donné aux musulmans une bonne réputation parmi les Arabes.
En effet, bien que le nombre et l'équipement des idolâtres dans cette bataille étaient trois fois supérieurs à celui des musulmans, la victoire du Prophète (SAW) et de ces adeptes fut écrasante et plusieurs grands chefs des idolâtres de la Mecque y trouvèrent la mort.
Après sa défaite à Badr, Qouraych fut prise de fureur et de désir de vengeance. Son nouveau chef Abou Soufian commença aussitôt à organiser les préparatifs de la nouvelle bataille tout en interdisant les femmes de Qouraych de manifester les signes de deuil avant que la mort de leurs parents fût vengée. Abou Soufian voulait par ces restrictions raviver la rancune et attiser encore plus le feu de la colère de Qouraych.
D'un autre côté, les juifs de Médine furent très angoissés par la victoire des musulmans et ils essayèrent à tout prix de pousser la tribu de Qouraych vers sa revanche. Ainsi, l'un de leurs chefs appelé Kaâb Ibn El'Achraf qui était aussi un poète, fut envoyé à la Mecque pour réciter devant Qouraych des poèmes appelant à la vengeance.
Qouraych organisa alors une réunion à la maison des congrès pour discuter les modalités pratiques de la prochaine bataille. Ils décidèrent alors d'attaquer Médine et destinèrent pour cette fin un budget colossal et ils ne manquèrent pas de demander de renfort de la part de leurs alliés traditionnels.
L'armée des mécréants dépassa les trois mille guerriers. Ils étaient animés par une rancune profonde et aveuglés par le désir ardent de vengeance.
Lorsqu'ils avancèrent vers Médine en essayant de garder le secret autant que possible, la nouvelle de cette campagne parvint au Prophète (SAW) par une terre de son oncle 'Abbas qui demeurait à la Mecque et cachait son Islam.
Abou Soufian prit le commandement de la campagne, alors que la cavalerie de l'armée fut confiée à Khaled Ibn Walid. Et alors que ces mécréants s'avancèrent vers Médine, les musulmans, avertis, tinrent une réunion générale dans la mosquée et décidèrent d'aller à la rencontre de l'ennemi en dehors de la ville.
Et lorsqu'ils se rassemblèrent, leur nombre était d'environ un millier dont le tiers ne tarda pas de manifester hypocrisie en rebroussant chemin juste avant le début des combats. Mais ceci n'avait pas altéré la volonté des musulmans qui s'impatientaient de mourir pour l'amour de Dieu. Le Prophète (SAW) s'avança alors avec ses fidèles à la rencontre d'un ennemi qui leur était quatre fois supérieur en nombre et en équipement.
Le Prophète (SAW) choisit de bonnes positions stratégiques aux pieds de la montagne d'Ohod, à la proximité de Médine.
La rencontre des deux armées fut le samedi 7 Chaoual de l'année 3 de l'hégire et les musulmans se trouvèrent alors entre la montagne et l'armée ennemie.
Pour parer toute attaque contre l'arrière de l'armée des musulmans, le Prophète (SAW) ordonna à une cinquantaine d'archers d'occuper une colline dominant la seule voie possible du danger.
Et vue l'importance stratégique de la position occupée par les archers, le Prophète (SAW) les somma catégoriquement de ne pas l'abandonner quel qu'en soit le prétexte.
Le premier affrontement entre les deux armées se solda par une défaite cinglante des mécréants qui s'empressèrent alors de fuir le champ de bataille et les musulmans se lancèrent à leur poursuite.
Les archers, observant le déroulement des combats du haut de la colline, crurent que la bataille fut terminée et qu’ils étaient de leur droit de descendre près de leurs frères combattants pour ramasser avec eux les butins laissés par les vaincus.
Mais Khaled Ibn Walid, chef de la cavalerie observait tout cela de loin et quand il vit l'arrière des musulmans découvert par l'abandon des archers de leurs position, il mena une attaque surprise par cette voie, semant ainsi le désordre dans les rangs des musulmans et renversant le cours des combats.
La plupart des musulmans n'étaient pas à la hauteur de cette nouvelle épreuve, et croyant que le Prophète (SAW) fut tué dans l'attaque des cavaliers, ils se dispersèrent dans toutes les directions laissant une petite minorité de combattants courageux et fidèles qui résistèrent au choc et empêchèrent les mécréants d'atteindre le Prophète (SAW).
Dans cette phase décisive et dangereuse de la bataille, le fidèle 'Ali (AS) se distingua par sa défense héroïque du prophète et put enfin finir la bataille en sauvant la vie au petit nombre de défenseurs qui de ressemblèrent alors dans une position plus solide pour préparer une contre-attaque...
Quant les mécréants virent la possibilité d'une deuxième victoire des musulmans, ils abandonnèrent le champ de bataille, se réconfortant du grand nombre de musulmans qu'ils avaient pu tuer.
La bataille d'Ohod avait été une véritable leçon pour les musulmans; en effet, si les archers avaient obéi aux ordres du Prophète (SAW), le renversement des cours du combat n'aurait jamais eu lieu.
D'autres part, la fuite hâtive d'un grand nombre de musulmans et particulièrement de certaines personnalités bien connues des Mouhajirins qui crurent à le défaite au moment même où le Prophète (SAW) les appelait à résister, montre que l'amour de la vie était toujours maîtres des cœurs de la majorité des musulmans.
Tout cela montre que le corps de la jeune communauté musulmane souffrait de faiblesse sérieuse que seule une bataille de niveau aurait pu révéler à tout le monde et enregistrer pour l'histoire.
Le déroulement des évènement et la consolidation de plus en plus sensible de la société islamique de la religion de l'Islam étaient une source d'angoisse et d'inquiétude permanente chez les juifs de Médine qui essayèrent alors de rassembler toutes les forces de l'idolâtrie arabe sous l'égide de Qouraych pour une bataille finale contre les musulmans.
Leur effort n'était pas sans résultat et une alliance très large entre les tribus arabes mécréantes fut établie pour réunir enfin une grande armée de plus de douze mille guerriers... Et la marche vers Médine commença.
Des cavaliers de la tribu voisine de Khouza'âh portèrent la nouvelle de la campagne aux musulmans de Médine qui furent aussitôt convoqués par le Prophète pour une réunion générale afin de décider le stratégie de la défense de la cité.
L'avis de Salman Elfarisi qui consistait à creuser un fossé tout autour de la ville fut accepté à l'unanimité et le travail commença aussitôt.
Le grand fossé de douze kilomètre de longueur, de cinq mètres de profondeur et de six mètres de largeur, fur déjà achevé quand les troupes ennemis encerclèrent le ville.
Les mécréants furent stupéfaits et ne surent quoi faire ni comment procéder puisque, non seulement ils se trouvèrent devant un fossé profond dont la traversée s'avérait périlleuse, mais derrière le fossé, il y avait des barricades abritant des archers au qui-vive !
En somme, la situation était très gênante pour les assaillant jusqu’alors trop confiants de leur victoire, vue leur supériorité numérique et matérielle.
Le siège de Médine dura encore quelques jours pendant lesquelles les musulmans souffrirent de toute sorte d'inquiétude et d'angoisse, et durent non seulement surveiller le fossé, mais aussi, leurs frontières avec leurs anciens alliés qui les ont trahis: la tribu juive de Bani Qouraydha...
En effet, suite à la trahison de cette tribu et de sa rupture de son alliance avec le Prophète (saw), les musulmans ont dû réserver pas moins que cinq cents combattants pour surveiller ses traîtres et les empêcher de mener une attaque surprise.
Les assiégeants essayèrent à maintes reprises de percer les défenses musulmanes et de pénétrer dans la cité, mais toutes ces tentatives échouèrent à l'exception d'une attaque menée par un cavalier de renommée inquiétante pour les musulmans : c'était Amr Ibn Abdouedd connu pour être le héros des Arabes et le cavalier invincibles de la Péninsule.
En effet, Amr en compagnie de cinq cavaliers put percer les premières lignes de défense musulmane, il s'arrêta au milieu du champ de bataille et demanda le duel en défiant tous les musulmans d'un air moqueur.
Les musulmans se regardèrent les uns les autres les plus courageux parmi eux n'osèrent pas relever le défi, non par crainte de la mort, mais de peur que leur défaite devant cet ennemi redoutable pourrait briser le moral des musulmans.
Une fois encore, Ali sauva la situation et releva le défi. Ce n'étaient que quelques instants et ce fut le soulagement général des musulmans lorsqu virent Amr trébucher sous le coup fatal d'Ali (as).
Les cinq autres mécréants prirent la fuite et Ali rattrapa l'un d'entre eux dans le fossé et le tua.
Ce duel releva sensiblement le moral des musulmans, alors que celui des mécréants commençait déjà à se dégrader surtout après l'échec de la tentative de pénétration des cavaliers de Khaled Ibn Walid et les rumeurs diffusées par des musulmans infiltrés parmi eux et selon lesquelles leurs alliés juifs auraient pactisé avec le Prophète (SAW).
Ceci durant, quelques autres tribus arabes alliées de Qouraych commencèrent à se demander s'ils avaient choisi le meilleur parti et acceptèrent l'offre du Prophète (SAW) de se retirer vers leur terre en contre partie du tiers de la récolte des dattes de Médine.
Mais la détermination d'Abou Soufian, le commandant général des alliés arabes, ne fut altérée que lorsque Dieu, Le Tout Hautn, intervint en envoyant sur aux des vents inhabituels que semèrent le trouble et l'angoisse parmi les mécréants.
Et, voyant que toutes les conditions humaines et naturelles ne pouvaient plus permettre la poursuite du siège, Abou Soufian lança l'ordre de retraite et ce fut alors la fin de la plus dure épreuve qui avait menacé l'existence de la première entité Islamique de l'histoire.
Pendant la sixième année de l'hégire, le Prophète se vit dans un rêve en
train de tourner autour de la Ka`bah et d'accomplir toutes les cérémonies du
pèlerinage avec ses partisans. Le matin suivant, il communiqua ce qu'il avait
vu dans son rêve à ses adeptes, lesquels furent très heureux de cette nouvelle,
étant donné qu'ils brûlaient déjà d'envie de revoir leur ville natale et leurs
maisons qu'ils avaient été forcés d'abandonner six ans avant. C'était le
premier jour du mois de Thilqa`dah, pendant lequel il était interdit de faire
la guerre dans toute l'Arabie, et à fortiori sur le territoire sacré de la
Mecque. Par conséquent, la `Omrah, ou le Petit Pèlerinage, pouvait être
accomplie durant ce mois-là sans aucun risque de voir les Quraych ou les
Mecquois déclencher les hostilités. Des préparatifs rapides en vue du
pèlerinage furent faits, après que le Prophète eut annoncé qu'il voulait
seulement accomplir le Pèlerinage. Les préparatifs du voyage ayant été terminés
au début du mois, le Prophète conduisit environ quatorze cents de ses partisans
à Holayfah, sur le chemin de la Mecque. Ils prirent avec eux soixante-dix
chameaux pour le sacrifice. Ils ne portaient pas d'armes, sauf le sabre rengainé
de voyageur. Seule une des femmes du prophète, Om Salma, l'accompagna dans ce
Pèlerinage.
La nouvelle de la marche du Prophète parvint rapidement à la Mecque.
Malgré l'attitude non belliqueuse et pacifique des pèlerins, et bien qu'ils
n'eussent pas d'armes sur eux, les Quraych les soupçonna de tricherie. Aussi,
rassemblant une force considérable et bien armée, sortirent-ils de la Mecque
pour camper à environ dix kilomètres de la ville, et occuper une position sur
la route de Médine. Pour contrer l'avance de Mohammad, ils lancèrent un corps
expéditionnaire de deux cents cavaliers sous le commandement de Khâlid Ibn
al-Walîd et `lkrima Ibn Abî Jahl. Le Prophète continua sa marche jusqu'à ce
qu'un informateur l'ait mis au courant du mouvement des Mecquois, et peu après,
les cavaliers mecquois apparurent à l'horizon.
Désormais, il n'était plus possible pour le Prophète de continuer à
avancer, étant donné qu'il n'était pas venu dans l'intention de livrer bataille
aux Mecquois. Il tourna donc à droite pour arriver à Hudaybiyyah, à la limite
du territoire sacré autour de la Mecque. Là, son chameau, Qaswah s'arrêta de
lui-même et s'agenouilla, refusant de faire un pas de plus en avant. Les gens
dirent qu'il avait des ennuis, mais le Prophète considéra son arrêt spontané
comme un présage divin lui indiquant de ne pas aller plus loin. Aussi
campa-t-il à Hudaybiyyah. Il n'y avait pas d'eau disponible à cet endroit, car
malgré l'existence de quelques puits, ceux-ci étaient ensablés. Le Prophète
sortit alors une flèche de son carquois et la planta dans l'un de ces puits.
L'eau jaillit alors à gros bouillons, au grand soulagement de tout le camp. Les
Quraych envoyèrent alors successivement trois messagers au Prophète pour
s'informer sur la raison de sa venue là. `Orwah, un chef de' Tâ'if et l'un des
trois messagers, dit au Prophète que les Mecquois étaient exaspérés et qu'ils
étaient décidés à périr plutôt que de lui permettre d'entrer à la Mecque. Il
partit en disant que les Mecquois ne supporteraient pas la populace qui
l'accompagnait ni ne la laisseraient s'approcher de la ville, et jura qu'il
était en train de se représenter celle-ci désertée par cette populace dès que
les Mecquois l'attaqueraient. Là, Abû Bakr commença à être très irrité par ces
assertions. Le Prophète répondit, toutefois, à chacun des trois messagers que
c'était par un pur désir pieux de visiter le sanctuaire sacré et d'accomplir
les rites sacrés liés à ce lieu qu'il avait entrepris ce voyage de Pèlerinage.
Les messagers virent même la file de chameaux de sacrifice avec des marques sur
leur cou, indiquant qu'ils étaient attachés depuis longtemps dans ce but pieux.
A leur retour, ils exprimèrent leur conviction de la sincérité des intentions
pacifiques de Mohammad, mais ils ajoutèrent que les Quraych resteraient fermes
et qu'ils ne les écouteraient pas.
Le Prophète envoya à son tour l'un de ses hommes (Kharrach B. Ommayyah)
sur son propre chameau appelé Tha`lab, aux Quraych pour leur donner toutes les
assurances qu'il n'était pas venu avec un dessein hostile, mais ils le
traitèrent brutalement, estropièrent le chameau sur lequel il était venu, et
menacèrent même sa vie. Et sans l'intervention de deux Ahabich qui l'aidèrent à
fuir, il aurait été tué. Le Prophète exprima son désir que `Omar fasse la même
commission, mais ce dernier s'excusa, prétextant qu'il n'était pas en bons
termes avec les Quraych, et proposa `Othmân comme étant l'homme qui convenait à
cette tâche. Finalement c'est celui-ci qui fut envoyé pour leur faire savoir
que le Prophète était venu uniquement dans l'intention de visiter la Maison
Sacrée et qu'une fois qu'il aurait abattu les chameaux sacrificatoires, il
repartirait avec tous ses partisans. Mais les Quraych répondirent qu'ils
avaient juré de ne pas permettre à Mohammad d'entrer dans la ville cette année
et que s'il (`Othmân) désirait lui-même visiter la Ka`bah, il pourrait le
faire. `Othmân déclina l'offre, et décida de retourner au camp, en leur disant
qu'il ne pouvait se permettre de le faire, sans que le Prophète n'ait accompli
le premier les rites du Sanctuaire. Entre-temps, son voyage de retour ayant
duré trop longtemps, une rumeur de son assassinat par les Quraych circula dans
le camp musulman. Le Prophète était très affligé par cette nouvelle.
La nécessité de livrer bataille à l'ennemi étant devenue ainsi
inévitable, il convoqua tous les pèlerins autour de lui. Et se plaçant sous un
arbre, il prit de chacun d'eux l'engagement sous serment d'une adhésion
irréversible à lui, de ne pas fuir, et de combattre jusqu'à la fin. Cet
engagement est appelé "L'Engagement sous l'Arbre" (cf. Sourate
A1-Fat-h, verset 18, "Dieu était satisfait des Croyants quand ils te
prêtaient serment sous l'Arbre. IL connaissait le contenu de leurs cœurs. IL a
fait descendre sur eux la tranquillité. IL les a récompensés par une prompte
victoire"). IL est mémorable dans l'histoire de l'Islam, car il illustre
le dévouement et la loyauté des Musulmans envers leur Prophète, et comment ils
se glorifièrent de leur ferveur religieuse et pensèrent qu'ils avaient mérité
le salut, alors que les plus raisonnables d'entre eux étaient conscients des
actes condamnables commis plus tard par certains adeptes du Prophète, après
"L'Engagement sous l'Arbre" et après la mort du Prophète. Les hommes
qui n'étaient pas présents à cette occasion regrettèrent de n'avoir pas eu
cette chance.
On découvrit plus tard un groupe de quatre-vingts Mecquois qui
guettaient le camp des Musulmans, cherchant à attraper les personnes égarées.
Tous ces hommes furent entourés, faits prisonniers, et amenés auprès du
Prophète, lequel, par sagesse, les traita très généreusement. Les Mecquois,
craignant le déclenchement d'une bataille, après avoir appris la teneur de
l'engagement sous l'Arbre, dépêchèrent Suhayl Ibn `Amr et quelques autres représentants
au camp musulman pour conclure un traité de paix avec Mohammad. Après de
longues discussions, les termes de la paix furent posés et le Prophète demanda
à `Ali, son lieutenant, de transcrire les termes du Traité au fur et à mesure
qu'ils seraient dictés. Le texte du Traité commença ainsi : "Au nom
d'Allah, le Clément, le Miséricordieux". Mais Suhayl fit objection et dit
qu'il fallait qu'il commence par la formule que les Mecquois avaient l'habitude
d'utiliser, à savoir : "En Ton nom, Ô Dieu !" Le Prophète
concéda et demanda à `Ali d’écrire : "Bismeka Allâhomma". Puis
il dicta : "Ceci est le Traité conclu entre Mohammad, le Prophète d'Allah
et Suhayl Ibn `Amr". Là encore, Suhayl objecta que si les Mecquois le
reconnaissaient comme Prophète d'Allah, ils n'auraient pas porté les armes
contre lui. Il demanda au Prophète de mettre le nom de son père au lieu de
l'expression "Prophète d'Allah". Le Prophète céda une seconde fois,
mais `Ali avait déjà écrit les mots "Mohammad, le Prophète d'Allah".
Le Prophète ordonna à `Ali d'effacer les mots contestés, mais comme ce dernier
semblait hésiter, il prit les instruments d'écriture, effaça l'expression
"le Prophète d'Allah" et la remplaça par les mots : "fils de
`Abdullah". IL prophétisa en même temps, en s'adressant à `Ali, qu'il
devrait lui aussi céder, à son époque, dans une occasion similaire. Cette
prophétie fut réalisée lors de la conclusion d'un traité entre `Ali et
Mu`awiyeh, quelque trente ans plus tard.
Les clauses suivantes furent inscrites dans le traité : aucune des
deux parties ne commettra d'agression ni d'attaque contre l'autre partie ou ses
alliés pendant les dix années à venir. Quiconque désirera se joindre à Mohammad
et entrer en ligne avec lui sera libre de le faire, et de même, quiconque désirera
se joindre aux Quraych et entrer en traité avec eux aura la liberté de le
faire. Si quelqu'un passe à Mohammad et qu'il est réclamé par son tuteur, il
devra lui être renvoyé, mais si quelqu'un parmi les partisans du Prophète passe
aux Quraych, il ne sera pas extradé. Mohammad et ses partisans retourneront
cette année à leur base de départ sans entrer dans l'enceinte sacrée. L'année
suivante, ils pourront visiter la Mecque pendant trois jours après que les
Quraych s'en seront retirés. Mais ils devront y entrer sans aucune arme,
excepté celle de voyageur, c'est-à-dire chaque homme avec une épée rengainée.
Certains parmis les partisans éminents du Prophète, s'étant fiés à son
rêve, ne pouvaient s'attendre qu'à une victoire totale sur les Mecquois. Or,
constatant à présent que ces derniers avaient l'avantage sur le Prophète qui
sollicitait une permission (d'entrer dans l'enceinte sacrée) qu'ils
s'entêtaient à lui refuser, ils furent exaspérés par la déception après de
longs jours de fatigue et d'inquiétude. `Omar Ibn al-Khattâb dit carrément
qu'il n'avait jamais jusqu'à présent suspecté si fort la véracité du fait que
Mohammad était le Prophète d'Allah, et il osa même s'adresser à lui dans les
termes suivants : "N'es-tu pas un vrai Prophète d'Allah ?" "Si,
sans aucun doute", répondit le Prophète. `Omar lui demanda encore :
"N'avons-nous par raison et notre ennemi n'a-t-il pas tort ?"
"Bien sûr ! Nous avons raison et nos adversaires ont tort". `Omar
conclut : "Pourquoi devrions-nous donc mettre une tache à notre foi et
supporter le choc de l'humiliation ?" Le Prophète répondit : "Je ne
suis que le Messager d'Allah, et je ne peux rien faire contre Sa Volonté".
Toutefois, `Omar ne fut pas satisfait des réponses du Prophète, puisqu'il tint
des propos similaires indignés devant Abû Bakr : "Quoi ! Mohammad n'est-il
pas le Prophète d’Allah ? Ne sommes-nous pas Musulmans ? Ne sont-ils pas
des infidèles ?". "Si ces clauses avaient été fixées par toute autre
que Mohammad lui-même - fût-il le Commandeur de ma propre nomination - j'aurais
jugé indigne de moi des les accepter".
Alors que le Traité était en train d'être rédigé, Abû Jandal, fils de
Suhayl, un converti à l'islam, mais que son père avait confiné à la Mecque,
s'enfuit et gagna le camp de Mohammad. Il fut vite découvert et réclamé par son
père Suhayl en vertu des termes du traité. Le Prophète ordonna son retour à son
tuteur. Abû Jandal se mit alors à crier. Le Prophète l'exhorta à patienter, et
lui promit qu'Allah lui accorderait bientôt la liberté et la prospérité, comme
IL le ferait pour tous ceux qui étaient dans la même situation. Mais `Omar
bondit pour le conforter avec des idées telles que : "Le sage des
infidèles n'est pas meilleur que celui des chiens", et il l'incita à tuer
son père pour compromettre toutes les négociations de paix. Abû Jandal récusa
cette proposition. Le Traité fut achevé lorsque `Ali termina d'en écrire le
texte. Il fut certifié par les compagnons les plus éminents du Prophète, malgré
le fait qu'ils considéraient la paix ainsi obtenue, comme étant la paix la plus
humiliante et la plus déshonorante. Une copie du Traité fut remise à Suhayl,
lequel repartit avec ses compagnons. Le document original fut gardé par le
Prophète.
Ayant conclu le Traité, le Prophète désira accomplir des cérémonies du
pèlerinage adaptées à la nature des circonstances présentes. Aussi ordonna-t-il
à ses compagnons d'abattre leurs chameaux sacrificatoires et de se couper les
cheveux. Mais il fut attristé en constatant que personne ne suivait son ordre. IL
ressentit si fortement cette désobéissance qu'il en parla à sa femme, Om Salma
qui l'accompagnait dans ce pèlerinage. Mais une fois qu'il eut égorgé ses
propres chameaux, et qu'il eut coupé ses propres cheveux, le premier, tous ses
compagnons l'imitèrent progressivement. Ayant donc terminé les rites du
pèlerinage, le Prophète se mit en marche avec tous ses partisans, en direction
de ses bases de départ, et ce, après un séjour de vingt jours à Hudaybiyyah.
Sur le chemin du retour et vers la fin de la première étape de sa marche, le
Prophète reçut la révélation de la Sourate al-Fath qui commence ainsi :
"Oui, Nous t'avons accordé une éclatante victoire", et alors qu'il
était sur le dos de son chameau, il la récita à haute voix. Certains de ses
compagnons furent étonnés et demandèrent si cela était une victoire. Le
Prophète leur répondit que, sans aucun doute, c'était une victoire glorieuse.
`Omar et les autres rappelèrent au Prophète sa promesse d'entrer à la Mecque
sans obstacle et sans opposition. Ce à quoi il répondit que Dieu l'avait promis
en effet, en ajoutant : "Mais quand a-t-il promis que ce serait cette
année-ci ?"
Les événements subséquents prouvèrent toutefois que la paix de
Hudaybiyyah constituait une victoire glorieuse pour le Prophète sur les Mecquois.
En effet, en vertu du traité, toute personne, toute famille, tout clan, toute
tribu avait la liberté de rejoindre le Prophète, de professer son credo,
d'influencer les autres pour qu'ils le reconnaissent en tant que leur chef
spirituel, de prier selon ses enseignements sans courir le risque de subir la
persécution des incroyants qui n'avaient plus la possibilité de les maltraiter
ou de les mettre au ban de la société. Chaque Musulman était désormais libre
d'établir des rapports sans restriction avec les non Musulmans. Ainsi, des
relations mutuelles d'amitié ayant pu se rétablir, la paix et la tranquillité
fut restaurées grâce au Traité. Dans un laps de temps incroyablement court tout
le Hijâz chantait les louanges du Prophète qui l'aidait à sortir du paganisme
obscurantiste vers la lumière joyeuse du monothéisme. Désormais l'Islam
progressait d'un pas ferme à travers tout le territoire. Il n'y avait aucune
personne de bon sens et de jugement parmi les idolâtres qui n'éprouvât un
sentiment de profonde considération envers les commandements du Prophète.
Immédiatement après le Traité, les Banû Khozâ`ah, qui avaient depuis fort
longtemps une inclination pour la nouvelle Religion, entrèrent ouvertement en
alliance avec le Prophète. C'était là le premier résultat concret du Traité.
Bref, en deux ans après le Traité, la Mission Divine de Mohammad eut plus de
succès qu'elle n'en avait eu pendant les dix-neuf années précédentes. Tout cela
était le résultat glorieux de la Paix, cette même paix qui avait été considérée
sur le moment comme déshonorante et humiliante et comme étant propre à
rabaisser le niveau de la Religion de Dieu, et qui n'avait été possible que
grâce à ce Traité que le Prophète n'avait pas hésité à conclure avec les
Mecquois, malgré les remontrances de ses principaux compagnons. C'est
évidemment subséquemment à ce même Traité que deux ans plus tard, il fut suivi
par dix mille hommes dans sa marche pour la Conquête de la Mecque, alors qu'à
présent, à Hudaybiyyah, il n'avait pu amener avec lui qu'à peine mille cinq
cents partisans. C'était là vraiment une grande victoire, dépassant toutes les
autres dans ses effets de grande portée. Sans combat ni effusion de sang, le
Traité fit plier les infidèles et les amena à reconnaître ce même Mohammad -
dont ils avaient abusé et qu'ils avaient persécuté et banni - comme une Force
indépendante, au point de conclure avec lui un Traité lui donnant le droit
d'occuper en toute quiétude et pendant trois jours, leur cité, l'année
suivante.
Avec la conclusion du Traité de Hudaybiyyah, le Prophète se débarrassa de tous
les ennuis venant des Mecquois. Désormais il était en mesure de diriger son
attention vers un prêche plus étendu de sa Religion pour accomplir ainsi le
principal objectif de sa Mission Divine. Aussi décida-t-il d'inviter les
États et Empires voisins à la Foi Divine en leur envoyant des
Ambassadeurs munis d'une missive de sa part. Et étant donné que les missives
n'étaient reconnues par les cours étrangères que si elles étaient validées par
un sceau, le Prophète se fit faire vers la fin de la sixième année de
l'Emigration un anneau d'argent sur lequel étaient gravés les mots suivants:
"Mohammad, le Messager de Dieu". Des lettres furent écrites et
scellées, et au début de la septième année, au mois de Moharrem, six
ambassadeurs furent dépêchés simultanément à : Najjachi le roi d
Éthiopie; Yamama; Khosrô, le monarque de Perse; César, l'Empereur
romain; la Syrie et l'Egypte. Les messagers choisis pour convoyer les missives
connaissaient la langue des pays auxquels ils étaient destinés respectivement.
`Amr Ibn Omayyah fut envoyé en Abyssinie avec deux missives dont l'une invitait
le roi d'Ethiopie à la Religion Divine, et l'autre, faisait état du désir du
Prophète que les émigrés restant encore en Éthiopie, puissent retourner
à présent à Médine, ainsi que d'une requête singulière dans laquelle le
Prophète demandait au Roi de le fiancer à Om Habîbah, la veuve de `Obaydullâh
qui avait émigré en Éthiopie et qui y mourut plus tard. Le Roi reçut
l'ambassadeur avec la plus grande hospitalité et répondit à la première missive
par des propos laissant comprendre un humble acquiescement, donnant l'assurance
qu'il avait d'ores et déjà embrassé l'Islam et exprimant son regret de ne pas
être présent pour pouvoir recevoir personnellement les bénédictions du
Prophète. Conformément à la requête exprimée dans l'autre missive, le Roi
accomplit la cérémonie des fiançailles d'Om Habîbah et prépara deux bateaux
pour le retour des émigrés conduits par Ja`far. Les deux bateaux arrivèrent au
port de Médine en automne, au mois de Jumâdi-I de l'an 7 de l'hégire, soit en
août 628 A. J.-C.
Salit Ibn `Amr fut envoyé à Yamama avec une missive à Hauza, le Chef chrétien
de Banî Hanîfah, qui reçut l'ambassadeur cordialement et fit l'éloge du
Prophète. Mais par la suite, il congédia le messager en lui répondant qu'il
n'était prêt à suivre le Prophète que s'il faisait de lui un partenaire dans
ses privilèges, car, ajouta-t-il, il jouissait déjà de révérence en tant que
seigneur et orateur de son peuple, du fait qu'il était un poète éloquent de sa
tribu.
`Abdullah Ibn Hothâfah porta la missive en Perse. Lorsqu'elle fut délivrée au
Roi Khosrô, il la déchira en petits morceaux. Le messager retourna auprès du
Prophète et lui fit son rapport. Le Prophète pria : "Ô mon Dieu !
Déchire de la même façon son royaume". (Le vœu du Prophète sera exaucé
quelques années plus tard, lorsque les dominions perses se trouvèrent
entièrement déchirés). Khosrô envoya des ordres à son gouverneur du Yémen pour
qu'il ramène le Prophète à la raison ou qu'il l'envoie enchaîné à la Cour
Royale. Bazhan, le gouverneur perse du Yémen, envoya une missive courtoise au
Prophète, lequel en la recevant sourit et invita l'ambassadeur à l'Islam en
l'informant que Khosrô n'était plus de ce monde et que la nuit dernière il
avait été poignardé par son fils, l'héritier présomptif. IL lui ordonna ensuite
de retourner pour rapporter à son maître la nouvelle et lui demander d'offrir
sa soumission auprès du Gouverneur du Yémen et de lui faire son rapport. Bazhan
avait entre-temps reçu une missive du nouvel Empereur. Convaincu par la
prophétie ou animé par des motifs d'intérêt personnel, toujours est-il, qu'il
signifia son adhésion au Prophète, embrassa l'Islam et dénonça l'autorité de
l'Empereur perse.
Dehya Kalbi qui avait été envoyé à l'Empereur Héraclius, le monarque chrétien
de l'Empire romain fut reçu d'une façon respectable. L'empereur sembla bien
disposé envers la nouvelle Foi, mais après avoir écouté les opinions de ses
courtisans qui étaient indifférents à cette Foi, il congédia l'ambassadeur en
le chargeant de quelques cadeaux précieux pour le Prophète.
Chuja Ibn Wahab fut envoyé en Syrie muni d'une lettre invitant Hârith VII,
Prince de Banî Ghassân à l'Islam. Celui-ci fut très irrité par le contenu de la
lettre qu'il fit parvenir à l'Empereur Héraclius en lui demandant la permission
d'envoyer une expédition pour en châtier l'auteur. Le messager du Prophète fut
détenu dans l'attente de la réponse de l'Empereur. Celui-ci, n'ayant pas
approuvé la suggestion du Prince, Hârith éconduit le messager après lui avoir
offert des cadeaux. Lorsque le Prophète apprit l'attitude de Hârith, il prédit
la perte de son royaume. Peu après, Hârith mourut.
Habîb Ibn Abi Balta`ah fut envoyé comme ambassadeur à Alexandrie, le siège du
Gouvernement d'Egypte à l'époque. Le vice-roi romain, Maqawqas le reçut très
respectueusement, lut la lettre dont il était chargé, et y répondit en
promettant d'en prendre note. Il écrivit notamment qu'il savait qu'un Prophète
devait déjà être envoyé, mais qu'il attendait son apparition en Syrie. Pour
concrétiser ses sentiments respectueux envers le Prophète, il chargea son
messager de beaucoup de cadeaux, dont deux belles-sœurs coptes (race à laquelle
appartenait Moqawqas lui-même). L'une d'elles s'appelait Marya et eut l'honneur
d'épouser le Prophète, et l'autre, Sirîne, fut offerte au poète Hassan. De même
une mule blanche, chose très rare en Arabie à l'époque, figurait également
parmi les cadeaux. On l'appelait Duldul. Elle fut utilisée par le Prophète, et
après sa mort, par son petit-fils al-Hussayn.
Depuis l'Emigration du Prophète, les Juifs, comme nous l'avons déjà dit,
étaient jaloux de son pouvoir et de son autorité sans cesse grandissante, et
lui causaient par conséquent beaucoup de problèmes, ce qui l'avait poussé à les
expulser. Un certain nombre des Juifs de Banî Nadhîr qui avaient été expulsés
de Médine s'établirent parmi leurs frères à Khaybar, situé à environ cent
cinquante kilomètres au nord-est de Médine. Ils nouèrent des alliances avec
beaucoup de tribus bédouines puissantes qu'ils excitèrent, comme les Quraych de
la Mecque, contre le Prophète, et ils avaient assiégé vers la fin de
l'avant-dernière année Médine.
Après leur retrait, leur chef, Abul-Haqîq, qui avait joué un rôle prédominant
avec Hoyay Ibn Akhtab dans le siège de Médine, incita les Banî Fozârah et
d'autres tribus bédouines à attaquer les propriétés des citoyens paisibles de
Médine. Au mois de Rabî`-I de la sixième année de l'Emigration, `Oyaynah, le
chef des Banî Fozârah, tombant sur une troupe de chamelles laitières du
Prophète, les enleva, tua le gardien et emmena sa femme comme prisonnière. Au
mois de Rabî`-II de la même année, les Banî Ghatafân, eux aussi, s étaient
rassemblés dans l'intention d'enlever dans les pâturages les chameaux
appartenant à Médine. Les Musulmans envoyèrent Mohammad Ibn Maslamah avec dix
hommes pour contrecarrer leur projet. Mais tous ses compagnons furent tués et
il était lui-même si grièvement blessé qu'on le laisse pour mort, ce qui lui
permit de fuir par la suite. Au mois de Ramadan, Abul-Haqîq rendit l'âme. Son
successeur, `Osayr Ibn Zarim et les Banî Ghatafân, les bédouins alliés des
Juifs de Khaybar projetèrent au mois de Chawwâl de nouveaux mouvements contre
le Prophète et ses partisans.
En vertu du Traité de Hudaybiyyah, les Mecquois, qui étaient les plus
grands ennemis du Prophète et les plus puissants alliés des Juifs, ne pouvaient
plus assister ces derniers dans leurs hostilités contre le Prophète. La
Providence fournit ainsi à l'Apôtre du Seigneur une bonne occasion de mettre
fin une fois pour toutes aux difficultés que les Juifs de Khaybar ne cessaient de
lui causer. Aussi, au mois de Moharrem de l'an 7 H. organisa-t-il une
expédition forte de mille six cents hommes contre eux. Arrivé à Sahba, il
trouva plusieurs chemins conduisant vers des directions différentes. Enfin,
l'armée ayant engagé un guide, se dirigea vers Khaybar, marchant la nuit et se
reposant le jour. Sur son chemin, elle croisa un homme suspect qui ne tarda pas
à avouer qu'il était un espion. Contre la promesse d'avoir la vie sauve,
celui-ci informa les combattants musulmans que les Juifs étaient déjà au
courant de l'intention du Prophète de ne pas laisser impunies les actions
criminelles qui avaient été perpétrées contre ses hommes, et qu'ils avaient
demandé le secours de leurs alliés bédouins de chez lesquels `Oyaynah était
déjà arrivé, et qu'ils attendaient bientôt l'arrivée des Banî Ghatafân. Lorsque
le Prophète fut arrivé à Raji`, un lieu situé entre Khaybar et les campements
des Banî Ghatafân, il ordonna qu'on y fasse halte. Les Banî Ghatafân qui
s'étaient déjà apprêtés à sortir pour porter secours à leurs alliés à Khaybar,
décidèrent de rester sur place, constatant que leurs propres familles étaient
exposées au danger (A1-Tabarî). Laissant un contingent à Rajî`, le Prophète
poursuivit sa progression et surprit les Juifs de Khaybar à leurs portes, t8t
le matin. IL était à la tête d'une force de quatorze cents hommes, dont environ
deux cents cavaliers. Les Juifs étant sortis le matin de leurs maisons, furent
frappés de stupeur de se trouver confrontés tout d'un coup à une si grande
force.
La Vallée de Khaybar était parsemée d'une dizaine de forteresses
solidement implantées sur des monticules rocailleux et dont quelques-unes,
telles qu'A1-Qâmus, A1-Qatieba, A1-Watih et Solalim, étaient réputées
imprenables. A présent toute aide extérieure était rendue impossible. Les
Juifs, comptant sur leur nombre - de loin plus important que la troupe de
l'ennemi sur leur propre courage et sur leurs citadelles, décidèrent de
résister. Mais une fois assiégés dans leurs forteresses, ils ne purent résister
longtemps et durent finalement les évacuer après une ou deux sorties. Ainsi
toutes les citadelles inférieures par lesquelles les Musulmans avaient commencé
leurs attaques tombèrent les unes après les autres entre leurs mains.
A la fin, les Juifs se joignirent à leur chef, le roi de leur nation,
Kinânah fils de Rabî` et petit-fils de Abul-Haqîq. IL vivait dans une citadelle
solidement fortifiée de Khaybar, nommée al-Qâmûs, aux murs hauts et imposants,
construits sur un roc escarpé et qui était considéré comme imprenable. Elle
était bien protégée par des fortifications et bien gardée par des soldats
courageux, parce qu'elle renfermait les trésors du roi. Dès que le Prophète
lança un regard sur la forteresse, il se mit avant tout à prier le Tout-Puissant
Seigneur, Le suppliant de livrer la citadelle aux Musulmans. Et aussi longtemps
qu'il campa devant elle, il offrit les prières quotidiennes sur une roche dure,
appelée Manselah, et en fit le tour sept fois par jour. Plus tard, un masdjid
sera érigé à cet endroit, en souvenir de ce lieu d'adoration du Prophète, qui
fera l'objet de vénération des Musulmans pieux.
Le siège d'A1-Qâmûs fut la tâche la plus éprouvante pour les Musulmans,
qui ne s'étaient encore jamais attaqués à une telle forteresse. IL dura un
certain temps et mit à l'épreuve l'habilité et la patience des Musulmans, qui
commencèrent à manquer de provisions. Toute la région environnante fut ravagée
par les Juifs durant cette période - environ un mois lorsque les Musulmans
donnaient l'assaut contre la petite forteresse. Les Juifs avaient abattu même
leurs dattiers se trouvant autour de leur citadelle afin d'affamer l'ennemi, et
ayant résolu de se battre désespérément, ils se postèrent devant la citadelle.
Les assiégeants essayèrent d'avancer vers eux, mais tous leurs assauts furent
repoussés. Le Prophète, qui souffrait beaucoup de maux de tête, passa son
Etendard à Abû Bakr Ibn Abî Quhâfah et lui ordonna de mener l'assaut, mais il
fut sévèrement repoussé par les Juifs et obligé de battre en retraite. Ensuite
le Prophète confia l'assaut suivant au commandement de `Omar Ibn al-Khattab qui
porta d'étendard, le résultat n'en fut qu'une retraite forcée. Les soldats, de
retour auprès du Prophète, accusèrent leur commandant, `Omar, de manquer de
courage, alors que lui, il les accusa de lâcheté. Le Prophète, ayant été ainsi
déçu par l'échec de ses plus éminents compagnons, s'écria : "Demain je
remettrai mon Drapeau à quelqu'un que Dieu et Son Prophète aiment, un éternel
fonceur redoutable qui ne tourne jamais le dos à l'adversaire. C'est par lui
que le Seigneur accordera la victoire". Chacun des principaux compagnons
du Prophète était soucieux d'être le lendemain signalé comme étant "le
bien-aimé de Dieu et de Son Prophète". Ils passèrent la nuit dans une grande
anxiété pour savoir qui serait l'être béni. Personne ne pensa à `Ali, - le
cousin et le lieutenant du Prophète, le héros de toutes les précédentes guerres
- parce qu'il souffrait sérieusement de ses yeux très malades et ne pouvait
rien voir. Selon certains hadiths, il était absent à cette occasion, se
trouvant plut6t à Médine. Toutefois, le Prophète ayant crié : "Nadi
`Ali" (`Ali est appelé), celui-ci surgit sur-le-champ avec des yeux très
malades. Tous attendaient, sur des charbons ardents, la naissance de ce
lendemain, entourant le Prophète comme des étoiles scintillantes, chacun
essayant de miroiter pour se faire remarquer. Sa`d Ibn Abî Waqqâç, pour attirer
l'attention sur lui, se jeta par terre, puis se leva, prétendant qu'il était
tombé. Toutefois, le Prophète ne semblait tenir compte d'aucune personne en
particulier. Lorsqu'il rompit le silence pour demander où était `Ali, ils
répondirent tous d'une seule voix qu'il souffrait sérieusement de ses yeux
malades et qu'il était tout à fait incapable de voir ce qu'il y avait autour de
lui. Le Prophète leur ordonna de le faire venir. Salma B. Ako` l'amena en le
tenant par la main. Le Prophète prenant la tête de `Ali et la mettant dans son
giron, appliqua sa salive sur ses yeux. Immédiatement, ses yeux devinrent si
clairs qu'on eût dit qu'ils n'avaient jamais été malades. Et on dit qu'il ne
souffrit plus jamais, sa vie durant, de troubles oculaires depuis ce jour-là.
Le Prophète confia sa Bannière sacrée aux mains de `Ali et l'arma de son
épée, Thulfiqâr, le désignant ainsi comme étant l'homme que Dieu et Son
Prophète aiment. Il ordonna à `Ali de conduire l'assaut et de combattre jusqu'à
ce que les Juifs acceptent de se soumettre. `Ali, vêtu d'une veste écarlate sur
laquelle une cuirasse d'acier était attachée, avança à la tête de ses
partisans, et escaladant le rocher pierreux, situé en face de la forteresse, il
planta l'Etendard sur son sommet, et prit la résolution de ne pas reculer d'un
pouce, jusqu'à ce que la citadelle fût prise.
Les Juifs se mirent en route pour déloger les assaillants. Un rabbin
juif demanda à `Ali son nom, lequel dit qu'il était `Ali Ibn Abî Tâlib ou
Haydar. Le rabbin ayant entendu ce nom, présagea à l'intention de ses hommes
que les assaillants ne se retireraient pas sans avoir gagné du terrain.
Cependant, Hârith, un héros juif qui avait réussi à repousser vigoureusement
les précédentes attaques, s'avança et tua plusieurs adversaires musulmans.
`Ali, ayant vu cela, avança lui-même, s'engageant dans un combat au corps à
corps contre lui, et le tua puis revint à ses lignes. Le frère de Hârith était
d'une stature gigantesque et d'un corps imposant. IL était d'une valeur
inégalable parmi les Juifs. Pour venger la mort de son frère, il sortit des
rangs, couvert du cou à la taille d'une double cotte de mailles, coiffé d'un
heaume de protection, autour duquel était enroulé un double turban, et au
milieu duquel était enchâssée une pierre pour le protéger contre les coups de
cimeterre. Il avait une épée énorme qui le ceignait des deux côtés et
brandissait une grande lance à trois têtes fourchues et bien pointues. Sortant
des lignes des Juifs, il avança et défia ses adversaires de s'engager dans un
combat singulier contre lui : "Comme tout Khaybar le sait, je suis Marhab,
un guerrier hérissé d'armes dans une guerre furieuse et ravageuse",
s'écria-t-il. Aucun Musulman n'osa avancer pour l'affronter, sauf `Ali qui
sortit de la ligne musulmane pour répondre à son défi vaniteux, en disant:
"Je suis celui que sa mère a nommé Haydar. Je pèse mes ennemis dans une
gigantesque balance (c'est-à-dire je ne vais pas par quatre chemins avec mes
ennemis)". Les mots de `Ali n'étaient pas des mots creux. `Ali sut par
inspiration que Mahrab avait dernièrement rêvé d'un lion robuste le déchirant
en morceaux. Aussi rappela-t-il à Mahrab ce rêve afin de l'intimider. Les mots
eurent leur effet, puisque lorsque les deux combattants s'approchèrent, `Ali
jetant sur lui un coup d'œil, le trouva tremblotant. Une fois proches l'un de
l'autre, Mahrab fit un coup d'estoc en direction de `Ali avec sa lance à trois
fourchons. `Ali esquiva avec dextérité le coup, et avant que son adversaire ait
pu se recouvrir, il lui administra un coup avec son irrésistible cimeterre,
l’hulfiqâr, qui coupa en deux son bouclier, traversant son double turban, son
heaume impénétrable et son crâne, fendant sa tête et descendant jusqu'à sa
poitrine ou encore plus bas jusqu'à sa selle, le découpant carrément en deux
selon certains hadiths. IL tomba sans vie par terre, et le vainqueur annonça sa
victoire par son cri habituel : "Allâh-u-Akbar" (Dieu est le Plus
Grand), ce qui permit à tout le monde de savoir que `Ali était sorti
victorieux.
Dès lors les Musulmans avancèrent en masse et il y eut une mêlée. Sept
parmi les plus éminents guerriers juifs, à savoir Mahrab, `Antar, Rabî`, Zajîj,
Dâûd, Morrah et Yâcir, tombèrent sous les coups d'épée de `Ali, et le reste de
l'armée juive battit en retraite pour se réfugier dans la citadelle et échapper
à ses poursuivants Musulmans. Dans le feu de l'action, un Juif porta un coup
sur le bras de `Ali, disjoignant son bouclier qui tomba par terre et qu'un
autre Juif ramassa et s'enfuit avec. Furieux, `Ali accomplit alors des tours de
prouesses surhumains. IL sauta par dessus la tranchée, s'approcha de la porte
en fer de la forteresse, en arracha un battant et l'utilisa comme bouclier
pendant le reste de la bataille (Abû Rafi`, l'un de ceux qui en avait donné 1
assaut, à la forteresse, avec Ali, affirme qu'après la guerre il examina la
porte et qu'il essaya avec sept autres personnes de la retourner, mais sans
succès). La citadelle fut finalement prise et la victoire, décisive. Les Juifs
perdirent dans cette bataille quatre-vingt treize hommes, alors que les
Musulmans n'eurent que dix-neuf tués.
Après la prise de la citadelle, lorsque `Ali revint victorieux vers son
camp, le Prophète, le voyant arriver, sortit de sa tente et l'accueillit à bras
ouverts. L'embrassant chaleureusement, il baissa son front et lui déclara que
ses services pour la Cause Divine étaient appréciés par le Tout-Puissant Juge
et par lui-même, en tant que Son Prophète. `Ali versa des larmes de joie en
entendant ces propos. Le Prophète redonna foi à ses adeptes qui avaient échoué
dans les précédentes tentatives en mettant en évidence l'exemple de `Ali à qui
il donna le surnom glorieux d' "Asad-Allâh" (Le Lion de Dieu)
Après la défaite des Juifs, la forteresse accepta de se rendre à
condition que ses habitants fussent libres de quitter le pays en abandonnant
tous leurs biens aux conquérants, et en n'emportant, pour chacun, qu'un chameau
et une charge de denrées alimentaires. Tout recel d'objets de valeur était
assimilé à une infraction aux conditions de l'accord, et le coupable était
passible de la peine capitale. Ceux qui préféraient rester dans le pays
devaient occuper leurs maisons et y résider. Ils pouvaient cultiver la terre
qu'ils possédaient à titre de premier occupant (mais ils n'avaient pas le droit
de posséder une propriété immobilière) à condition de payer au conquérant la
moitié de la production, et ce dernier pouvait les congédier à sa guise.
Kinânah, le Chef des Juifs, était soupçonné d'avoir dissimulé son trésor, lequel ne put être découvert malgré toutes les recherches soigneuses qui furent faites dans ce but. Finalement on lui demanda ce qu'il avait fait de ses récipients en or qu'il avait l'habitude de louer aux habitants de la Mecque. Il répliqua que toute sa fortune avait été dévorée par les dépenses nécessitées par son armée. On lui dit alors que sa vie serait mise en jeu contre la découverte de ce qu'il aurait caché. Il accepta le marché. Plus tard, l'un de ses amis traîtres révéla le lieu où avait été cachée une grande partie de sa fortune. Kinânah fut alors livré à la vengeance d'un Musulman nommé Mohammad B. Maslamah dont il avait mis à mort le frère, Mohmûd B. Maslamah, en jetant sur lui une meule. Le Musulman coupa sa tête d'un seul coup de cimeterre.
La femme de Kinânah, Safiya, la fille du Chef de Nadhîrites, Hoyay B. Akhtab, embrassa l'Islam et épousa le Prophète. Elle jouit d'autant plus volontiers et joyeusement de sa nouvelle position qu'elle attendait impatiemment, que depuis qu'elle avait rêvé que la lune tombait du ciel sur ses genoux et qu'elle avait raconté ce rêve à son mari, elle subissait les violences de Kinânah qui lui reprochait de désirer épouser le Prophète de Hijâz. Elle portait encore la marque de contusions sur ses paupières, dues à un coup que lui avait administré Kinânah lorsqu'elle lui avait raconté son rêve.
Alors que le Prophète se trouvait à Khaybar, les Juifs attentèrent à sa
vie en préparant un agneau assaisonné avec un poison mortel, qu'ils lui
envoyèrent comme cadeau au moment où on lui servait le dîner. Acceptant avec gratitude
le cadeau, le Prophète en prit l'épaule (la partie qu'il aimait le plus) pour
lui-même, et coupa une autre portion qu'il donna à Bichr qui était assis à côte
de lui et qui fit de même en la passant à son voisin, et ainsi de suite. Dès
que le Prophète mangea une bouchée de la viande, il y sentit un goût anormal et
la cracha tout de suite en disant qu'elle était empoisonnée. Entre-temps, Bichr
avait déjà avalé son morceau et mourut sur-le-champ. La confusion fut totale. A
la suite d'une enquête faite à ce propos, il apparut que l'agneau avait été
cuit par une femme captive, appelée Zaynab, une nièce de Marhab, le grand
guerrier tué par `Ali Elle fut convoquée et interrogée à ce sujet. Elle avoua
son crime et le justifia comme une vengeance pour la perte de son père, de son
frère, de son mari et d'autres proches, ainsi que pour la dévastation causée à
son pays par les conquérants. Elle dit qu'elle pensait dans son for intérieur
que si Mohammad était un vrai Prophète, il découvrirait le mal avant qu'il ne
l'atteigne, et que s'il n'était qu'un simple imposteur, il tomberait victime de
sa vengeance, et les Juifs seraient débarrassés d'un tyran. Elle finit par être
condamnée à mort.
Après la
conquête d'al-Qâmûs, les autres citadelles furent prises et leurs terres
soumises à une taxe de cinquante pour cent de la production.
`Ali avait été envoyé à Fadak, une ville juive non loin de Khaybar, pour la
conquérir. Mais sans qu'il use d'autre force, les habitants de la ville
offrirent leur soumission, et acceptèrent de céder la moitié de leur propriété
au Prophète. Lorsque l'Ange Gabriel révéla au Prophète ce Commandement Divin
qu'on trouve dans la Sourate de Banî Isrâ'îl, verset 26: "Donne d celui
qui est de tes proches, ainsi qu'au pauvre et au voyageur leur dû, il lui
demanda qui était visé par l'énonciation : "Celui qui est de tes
proches". L'Ange Gabriel nomma Fatima et dit au Prophète de donner Fadak à
celle-ci, étant donné que la rente venant de Fadak lui appartenait entièrement,
cette terre étant cédée sans recours à la force. Ainsi le Prophète
accorda-t-il, conformément à cette Révélation sa propriété de Fadak à Fatima
pour sa subsistance et pour celle de ses enfants. Conséquemment Fatima et ses
enfants s'approprièrent la rente provenant de la vente de la production de ce
domaine jusqu'à l'époque du Calife Abû Bakr, lequel s'empressa de le confisquer
tout de suite après le décès du Prophète. IL demeura propriété d'Etat jusqu'à
ce qu'il fût finalement cédé par le Calife `Othmân à Marwân en l'an 34 H., et
il resta propriété des Omayyades jusqu'à sa restitution par `Omar Ibn `Abdul
Aziz à l'Imam Mohammad al-Bâqir, fils de `Ali Ibn al-Hussayn - le chef des
descendants de Fatima à l'époque - en tant que propriétaire légitime et légal
de Fadak. Quant à la deuxième moitié de ce territoire, il était resté en
possession des Juifs jusqu'à ce que le Calife `Omar les eût banni en Syrie en
les indemnisant.
Étant donné que la période du Pèlerinage
annuel s'approchait, le Prophète commença à faire les préparatifs en vue de son
Pèlerinage à la Mecque. IL invita les gens de toutes les régions de la
Péninsule à se joindre à lui afin qu'ils se familiarisent avec
l'accomplissement correct des différents rites ayant trait aux cérémonies
sacrées. Depuis son émigration à Médine, ce serait le premier et le dernier
Hajj (Pèlerinage à la Mecque) du Prophète. Cinq jours avant le début du mois de
Thilhaj, le mois du Pèlerinage, le Prophète se dirigea vers la Mecque, suivi de
plus de cent mille pèlerins. Toutes ses femmes, ainsi que sa fille bien-aimée,
Fatima, la femme de `Ali, l'accompagnèrent. Au cours de ce voyage, Abû Bakr eut
un fils de sa femme Asmâ' Bint Wahab. IL fut appelé Mohammad.
Le Prophète arriva à la Mecque le dimanche 4 Thilhaj de l'an 10 A.H. Tout de
suite après son arrivée, `Ali, qui revenait du Yémen à la tête de ses hommes,
rejoignit le Prophète, lequel sembla très heureux de le revoir, et lui demanda,
en l'embrassant quel vœu pour le Pèlerinage il avait fait. `Ali répondit :
"J'ai fait le vœu d'accomplir le même Pèlerinage que le Prophète quoi
qu'il arrive, et j'ai amené trente-quatre chameaux pour le sacrifice". Le
Prophète s'écria joyeusement : "Allâh-u-Akbar" (Dieu est le plus
grand), et dit qu'il en avait amené soixante-six. Et d'ajouter qu'il (`Ali)
serait son partenaire dans tous les rites du Pèlerinage et dans le sacrifice.
Ainsi, `Ali accomplit donc le Grand Pèlerinage avec le Prophète.
Etant donné que les différences, cérémonies devaient constituer des modèles à
suivre dans l'avenir, le Prophète observa rigoureusement chaque rite, soit
conformément aux Révélations faites à cet égard, soit selon l'usage patriarcal.
Ainsi, lorsqu'on amena les chameaux à offrir en sacrifice, lui et `Ali se
mirent à abattre conjointement les cent chameaux qu'ils avaient apportés. Et
quand on prépara un repas avec la viande des chameaux sacrifiés, le Prophète
s'assit avec seulement `Ali, et personne d'autre, pour le partager. Les
cérémonies du Pèlerinage prirent fin avec le rasage des chevaux et le coupage
des ongles après le sacrifice des animaux. L'habit du Pèlerinage fut alors ôté
et une proclamation fut faite par `Ali, monté sur la mule du Prophète, Duldul,
levant les restrictions du Pèlerinage.
A la clôture du Pèlerinage, le Prophète informa le Calendrier, abolissant
l'intercalation trisannuelle et faisant l'année purement lunaire, consistant en
douze mois lunaires, ce qui permit de fixer le mois du Pèlerinage selon les
saisons changeants de l'année lunaire.
Faisant ses adieux à sa ville natale, le Prophète quitta la Mecque pour Médine
le 14 Thilhaj. Sur la route, le 18 Thilhaj, il ordonna qu'on fasse halte à
Ghadîr Khum, une région aride aux abords de la vallée de Johfa, à trois étapes
de Médine, après avoir reçu la révélation suivante: "Ô Prophète !
Fais connaître ce qui t'a été révélé (Ici allusion est faite au Commandement
contenu dans la sourate al-Charh qui dit :
1- N'avons Nous pas ouvert ton cœur?
2-3 Ne t'avons Nous pas débarrassé de ton fardeau qui pesait sur ton dos ?
4- N'avons Nous pas exalté ta renommée ?
5- Le bonheur est proche du malheur.
6- Oui, le bonheur est proche du malheur.
7- Lorsque tu es libéré de tes occupations, lève-toi pour prier.
8- et recherche ton Seigneur avec ferveur".
Dans le verset 7, Dieu a commandé au Prophète de désigner son successeur) par
ton Seigneur. Si tu ne le fais pas, tu n'auras pas fait connaître Son Message.
Dieu te protégera contre les hommes; Dieu ne dirige pas 1e peuple
incrédule" (Sourate al-Mâ'idah, verset 67).
On affirme que le Prophète avait déjà reçu l'ordre de proclamer `Ali son
successeur et avait remis à une occasion plus appropriée l'annonce de cette
nomination pour éviter qu'elle soit mal prise.
A présent, ayant reçu ce Commandement, il décida de l'annoncer sans aucun
retard. Aussi fit-il halte sur le lieu même où il reçut le rappel. Le terrain
étant déblayé, une chaire fut formée de selles de chevaux, et Bilâl, le
Muezzin, s écria à haute voix : Hayya `Alâ Khayr-il-`Amal (Ô gens, accourez
à la meilleure des actions). Et une fois les gens rassemblés autour de la
chaire, le Prophète se leva prenant à sa droite Ali, dont le turban noir à deux
bouts suspendus sur ses épaules avait été arrangé par le Prophète lui-même. Le
Prophète loua tout d'abord Dieu, puis s'adressant à la foule, il dit :
"Vous croyez qu'il n'y a de dieu que Dieu, que Mohammad est Son Messager
et Son Prophète, que le Paradis et l'Enfer sont des vérités, que la mort et la
Résurrection sont certaines, n'est-ce pas ?" Ils répondirent tous
"Oui, nous le croyons". Il les informa alors qu'il serait rappelé
bientôt par son Seigneur, puis il prononça cette adjuration : "Je vous
laisse deux grands préceptes dont chacun dépasse 1'autre par sa grandeur :
ce sont le Saint Coran et ma sainte progéniture (dont les membres
inéchangeables sont : `Ali, Fatima, Hassan et Husayn). Prenez garde dans votre
conduite envers eux après ma disparition. Ils ne se sépareront pas 1'un de
l'autre jusqu'à ce qu'Ils reviennent auprès de moi, au Ciel, à la Fontaine de
Kawthar". Et d'ajouter : "Dieu est mon Gardien et je suis 1e gardien
de tous 1es croyants".
Ce disant,
il prit la main de `Ali dans sa main, et la levant haut, il s'écria :
"Celui dont je suis le maître, `Ali aussi est son maître. Que Dieu
soutienne ceux qui viennent en aide à `Ali et qu'IL soit l'ennemi de ceux qui
deviennent les ennemis de `Ali". Ayant répété cette proclamation trois
fois, il descendit de la plate-forme dressée et fit asseoir `Ali dans sa tente
où les gens vinrent le féliciter. `Omar Ibn al-Khattâb fut le premier à
congratuler `Ali et à le reconnaître comme le "Tuteur de tous les
croyants".
Après les hommes, toutes les femmes du Prophète ainsi que les autres
dames vinrent féliciter `Ali A la fin de cette cérémonie d'installation, le
célèbre verset suivant du Coran fut révélé au Prophète : "Aujourd'hui,
j'ai perfectionné votre religion et j'ai parachevé Ma grâce sur vous; j'agrée
l'Islam comme étant votre Religion" (Sourate a1-Mâ'idah, verset 3). Le
prophète se prosterna en signe de gratitude.
La Signification d'Ahl-ul-Bayt Expliquée
L'expression "ma progéniture" mentionnée dans l'Adjuration signifie
les saintes personnes désignées par le verset coranique suivant :
"(Ô Prophète !) Je ne vous demande aucun salaire pour cela, si ce
n'est votre affection envers mes proches" (Sourate al-Chûrâ. verset 23). A
la révélation de ce verset on avait demandé au Prophète de nommer les personnes
dont l'amour était commandé. IL nomma : `Ali, Fatima, al-Hassan, al-Hussayn.
Les gens le soupçonnèrent alors d'avoir nommé ses chers proches afin qu'ils
soient considérés avec la crainte et le respect dus après sa mort.
C'est à propos de la fidélité, de l'amour et l'obéissance envers ces
personnes-là que les gens seront interrogées le Jour du Jugement, lorsqu'il
sera demandé à chacun comment il s'est conduit envers elles, comment il a
défendu leur cause et comment il a soutenu leurs intérêts.
Ce sont les personnages déclarés purifiés et exempts de toute impureté. Lorsque
le verset coranique : "Ô vous, les Gens de la Maison ! Dieu veut
seulement éloigner de vous la souillure et vous purifier totalement"
(Sourate al-Ahzâb, verset 33) fut révélé au Prophète, il se mit sous un manteau
avec `Ali, Fatima, Hassan et Husayn, et déclara que sa Maison (Famille)
consistait en ces personnes seulement. Um Salma, sa femme, dans la maison de
laquelle la révélation était descendue, lui demanda d'être incluse dans le
groupe sous le manteau, mais elle essuya un refus poli. Depuis ce jour-là ledit
groupe reçut le surnom d'Açhdb a1-Kisb.
Ce sont ces personnes que le Prophète compara au Bateau de Noé, dans lequel
ceux qui avaient embarqué furent sauvés, alors que ceux qui avaient cherché
secours ailleurs que dans ce Bateau furent noyés.
Ces personnes faisaient partie intégrante de la Lumière Céleste dont fut créé
le Prophète.
Ce sont ces personnes pour les actions vertueuses desquelles Mohammad fut
félicité par Allah, et en louange desquelles la sourate al-Dahr fut révélée.
(Dans sa traduction d'Al Coran, Sale fait suivre du commentaire suivant les
versets 5-10 de la Sourate al-Dahr (A1- Insân). La traduction de ces versets
par Sale :
5. Mais les justes boiront à une coupe (de vin), mélangé avec (de l'eau de)
Kawthar,
6. Une fontaine à laquelle boiront les serviteurs de Dieu...
7. Ils tiennent leur promesse, et redoutent un Jour dont le mal sera répandu
très loin.
8. Ils nourrissent le pauvre, l’orphelin et le captif pour l'amour de Dieu, (en
disant) :
9. "Nous vous nourrissons pour plaire à Dieu seul : nous n'attendons de
vous ni récompense ni gratitude;
10. Oui, nous redoutons, de la part de notre Seigneur, un jour menaçant (et)
calamiteux".
La note de Sale, tirée d'A1-Baydhâwi, sur les versets 7-10 : "On
relate que al-Hassan et al-Hussayn, les petits-fils de Mohammad, 6tant à un
moment donné malades tous les deux, le Prophète, entre autres, leur rendit
visite. Les visiteurs demandèrent à `Ali de faire un vœu à Dieu pour la
guérison de ses fils. Sur ce, `Ali, Fatima et Fidhdhah, leur bonne, firent le
vœu de jeûner trois jours si les deux malades allaient mieux. Or, il arriva
qu'ils guérirent effectivement. La promesse fut accomplie avec un tel scrupule
que le premier jour, n ayant pas de provisions à la maison, fut obligé d'emprunter
trois mesures d'orge à un certain Siméon, un Juif de Khaybar. Fatima en moulut
une mesure le même jour et cuisit cinq gâteaux pour le repas. Et alors qu'ils
étaient assis devant ces gâteaux pour rompre leur jeûne après le coucher du
soleil, un pauvre se présenta à eux. Ils lui donnèrent leur pain et passèrent
la nuit sans rien manger, se contentant de boire de l'eau. Le lendemain,
Fatima, cuisit une deuxième mesure pour la même raison, mais un orphelin les
pria de lui donner quelque chose à manger et ils lui offrirent leur repas, et
passèrent une deuxième nuit sans manger. Le troisième jour ils donnèrent tout
leur repas à un captif affamé. A cette occasion Jibrâîl révéla au Prophète la
sourate ci-dessus et informa Mohammad que Dieu le félicitait pour les vertus de
sa famille".
Concernant la promesse de Dieu dans le verset 6, lisez le récit de la
découverte miraculeuse par `Ali d'une fontaine pour l'approvisionnement en eau
de ses armées dans le désert sablonneux de la Mésopotamie, dans le second
volume).
Rien d'étonnant donc à ce que le Prophète ait mis dans la même balance ces
personnalités dépouillées de fautes et de pêchés et le Livre de Dieu - le Coran
- et qu'il ait déclaré les deux Poids aussi lourds l'un que l'autre. `Ali était
le seul homme qui pouvait prétendre à une connaissance minutieuse du Coran. Il
proclama tout haut qu'il invitait tout un chacun à lui demander quand, où et à
quelle occasion chaque verset du Coran avait été révélé au Prophète, et la
fameuse déclaration : "Je suis la Cité du Savoir, `Ali en est la
Porte" ne peut que confirmer cette affirmation de `Ali IL en était de même
pour al-Hassan (Un noble exemple de la générosité d'A1-Hassan et de son ardeur
à satisfaire Dieu en accomplissant toutes les vertus mentionnées dans Ses commandements,
se trouve dans le récit suivant, entre des milliers d'autres relatifs aux
Saints descendants du Prophète: "Un serviteur d'al-Hassan Fils de `Ali fit
tomber sur son maître un plat bouillant alors qu'il s'asseyait à table.
Craignant la colère d'Al Hassan, il tomba sur ses genoux et se mit à répéter
ces mots : "Le Paradis est pour ceux qui refrènent leur colère".
A1-Hassan répondit : "Je ne suis pas en colère". Le serviteur
poursuivit : "Et pour ceux qui pardonnent aux gens". "Je te
pardonne" dit al-Hassan. Le serviteur sembla toutefois décidé à finir le
contenu de quelques versets coraniques en ajoutant : "Car Dieu aime les
bienfaisants". "Puisque c'est ainsi, fit al-Hassan, je t'affranchis
et je te donne quatre cents pièces d'argent". L'esclave citait les versets
133-134 de la Sourate Âle `Imrân : "Hâtez-vous vers le pardon de
votre Seigneur et vers un Jardin large comme les cieux et la terre, préparé
pour ceux qui craignent Dieu; pour ceux qui font l'aumône, dans l'aisance ou
dans la gêne; pour ceux qui maîtrisent leur colère; pour ceux qui pardonnent
aux hommes - Dieu aime ceux qui font le bien"), al- Husayn et Fatima
Ce sont ces personnes pieuses qui étaient souvent accompagnées par les anges.
Bien que le Prophète eût informé solennellement les gens que la désignation de
`Ali comme "Le Gardien de tous les croyants", était faite sur
Commandement de Dieu, les gens continuèrent à le soupçonner d'avoir attribué à
`Ali cette haute position sans avoir reçu un ordre de Dieu dans ce sens.
Un incident survenu quelque temps après que le Prophète eut fait l'Adjuration
mérite d'être mentionné : un homme nommé Hârith B. No`mân Fihrî (ou Nadhr B.
Hârith selon un autre hadith) refusa de croire le Prophète et le soupçonna
d'avoir fait la proclamation par affection et amour pour `Ali Il alla même
jusqu'à invoquer sérieusement la descente de la colère du Ciel sur lui-même, si
ces soupçons n'étaient pas fondés, prière qui fut rapidement exaucée,
lorsqu'une pierre tomba sur sa tête, le tuant sur-le-champ.
Conclusion en faveur de `Ali tirée de la Parole du Prophète
Le lecteur se rappelle sans doute les précédentes occasions lors desquelles le
Prophète déclara `Ali son successeur, tout d'abord le jour où il se proclama
publiquement Messager de Dieu en disant : "Ô fils de `Abdul-Muttalib
! Dieu n'a jamais envoyé un Messager sans qu'IL ait désigné en même temps son
frère, son héritier et son successeur parmi ses proches parents"; et
ensuite lorsqu'il déclara que `Ali "est à lui ce que Harûn fut à
Mûsâ".
Ces propos du Prophète n'étaient pas une simple opinion personnelle qu'il
exprimait, comme en témoignent ces versets coraniques : "Il ne parle pas
selon son désir; mais exprime les Commandements qui lui sont révélés"
(Sourate al-Najm, 3-4). Cela signifie que lesdits propos étaient conformes aux
Commandements de Dieu. Et cette dernière déclaration faite devant des milliers
de gens était conforme aux précédentes déclarations, qui n'avaient jamais été
retirées ni abrogées pendant une période d'une vingtaine d'années.
Se fondant sur ce qui précède, une grande partie des Musulmans considéra `Ali
comme étant sans aucun doute le successeur choisi et désigné du Prophète depuis
le début de sa mission prophétique. A cette dernière occasion, il eut la
distinction d'être pour les musulmans ce que le Prophète était pour eux : à
savoir que `Ali devait être traité en remplaçant (successeur) du Prophète après
sa mort. Chah Hassan Jaisi, un mystique sunnite a bien expliqué la
signification du terme "Mawlâ" dans sa stance qui peut se traduire
ainsi : "Vous courez ça et là pour chercher le sens de
"Mawlâ". Eh bien ! `Ali est "Mawlâ" dans le même sens que
le Prophète est "Mawlâ".
La distribution du Yémen
Bazhân, le Gouverneur du Yémen, étant décédé, le Prophète répartit, en l'an
onze (en tenant compte que l'année commence au mois de Mohanam) les nombreuses
provinces Hamdân, Marab, Najrân - qui étaient jusqu'alors unies sous l'autorité
de Bazhân, entre les différents gouverneurs de ce pays. Chahr eut
l'autorisation de détenir le gouvernement de Çan`â' et du territoire
environnant.
Aswad, l'Imposteur
Aswad, un notable riche et influent, rallia à sa cause les nobles qui étaient
insatisfaits de la répartition du Prophète et qui avaient chassé ses
fonctionnaires, lesquels fuirent et cherchèrent refuge chez les tribus amies
les plus proches. Puis il put soumettre la province de Najrân. S'étant assuré
ainsi un grand nombre de partisans, Aswad se proclama prophète et marcha sur
Çan` â', où il défit l'armée de Chahr, tuant ce dernier et prenant sa
veuve comme épouse. De vagues nouvelles d'Aswad parvinrent au Prophète, lequel
envoya des lettres à ses fonctionnaires pour qu'ils déposent le prétendant.
Toutefois Aswad était en train de hâter lui-même sa fin en traitant avec mépris
ses officiers à la bravoure desquels il devait pourtant son succès. La veuve de
Chahr, devenue sa femme, guettait elle aussi l'occasion de venger son ex-mari.
Les fonctionnaires du Prophète engagèrent des négociations avec les gens
mécontents, et il en résulta que l'imposteur Aswad fut tué la veille du décès
du Prophète à Médine.
Musaylamah, l'Imposteur
A peu près à la même époque, Musaylamah, un chef de Banî Hanîfah, se proclama
prophète à Yamâmah, il trompait les gens et leur récitait des versets en
affirmant qu'ils lui avaient été révélés par le Ciel. Cependant aucun de ces
versets ne mérite d'être cité ici. Mais cela ne l'empêchait pas de prétendre
même qu'il était capable de produire des miracles. L'un de ses miracles
consistait à transformer un œuf en un flacon très étroit. La rumeur de cette
imposture parvint à Médine, d'où le Prophète lui envoya une lettre lui
rappelant son serment d'allégeance et lui ordonnant d'adhérer sincèrement à
l'Islam. Musaylamah, dans sa réponse à cette lettre, tendait à affirmer que lui
aussi était Prophète comme Mohammad et il lui demandait donc de partager la
terre avec lui. Le Prophète, après réception de cette réponse insolente, lui
écrivit : "J'ai reçu ta lettre avec ses mensonges et inventions
contre Dieu. En réalité la terre appartient à Dieu. IL en fait hériter qui IL
veut parmi Ses serviteurs. Que la paix soit sur celui qui suit le droit
chemin". La rébellion de Musaylamah sera étouffée à l'époque du Calife Abû
Bakr.
Tulayhah l'Imposteur
Un autre imposteur nommé Tulayhah un chef de Bani Asad, se proclama lui aussi
prophète, à Najd. C'était un guerrier d'une certaine renommée. Après la mort du
Prophète, il se révolta ouvertement contre l'Islam. IL fut défait et soumis à
l'époque du Calife `Omar.
L'Ordre de l'Expédition vers la Syrie
Vers la mi-Çafar de l'an 12 (calculé en tenant compte qu'il commence au
mois de Moharrem) un lundi, le Prophète ordonna à ses partisans de faire de
rapides préparatifs en vue d'une expédition contre les habitants de Mota, sur
le territoire romain, pour venger les courageux soldats musulmans qui y étaient
tombés en martyrs, dans une récente escarmouche. Le lendemain (mardi), il
désigna un homme, nommé Osâmah, pour le commandement de l'armée. Osâmah était
le fils de Zayd, l'esclave affranchi du Prophète, tué à Mota, et il n'avait que
dix-sept ou dix-huit ans. Le Prophète demanda à Osâmah de se dépêcher afin
qu'aucune information sur cette expédition ne parvienne à l'ennemi et que la
surprise fût totale. "Surprends-le, lui dit-il et si le Seigneur t accorde
la victoire, reviens ici sans délai".
Le mercredi, une violente attaque de mal de tête et de fièvre s'empara du
Prophète, mais le lendemain matin (jeudi), il se trouva suffisamment rétabli
pour préparer un drapeau de ses propres mains, et il le remit à Osâmah, comme
drapeau de l'armée. Le camp fut ensuite installé à Jorf, à cinq kilomètres de
Médine, sur la route de la Syrie. Le Prophète ordonna à tous ses partisans à
Médine, sans excepter ni même Abû Bakr, ni `Omar, de le joindre tout de suite.
Seul `Ali, à qui il avait demandé de rester avec lui, en était excepté.
Prédiction concernant 'Âyechah
La maladie du Prophète s'aggravait entre-temps. Malgré cela, pendant quelques
jours de sa maladie, il maintint son habitude de se rendre dans les maisons de
ses femmes à tour de rôle. Un jour, alors qu'il franchissait la porte de
`Âyechah, il entendit un gémissement : "Ma tête ! Aïe, ma tête
!" Il entra et dit : "`Âyechah ! C'est plutôt à moi de crier :
"Ma tête ! Ma tête !" Et non à toi". Mais elle continua à
crier : "Ma tête ! Ma tête !" Puis, dans un effort de tendresse, il
lui dit : "Ne désirerais-tu pas, Ô `Âyechah, mourir pendant
que je suis encore vivant, afin que je puisse t'envelopper dans un drap, prier
sur toi et te déposer dans la tombe ?" Là, `Âyechah dit malicieusement
: "En fait, je peux te comprendre ! Tu veux vivre avec une autre femme à
ma place, après tout ce que tu viens de dire". Le Prophète sourit à la
plaisanterie de `Âyechah, avec la triste compagnie d'une douleur aiguë
dans sa tête, et partit pour l'appartement de MaymQnah.
Selon un autre récit; `Âyechah dit : "Chaque fois que le Prophète
passait devant ma porte, il avait l'habitude de me dire quelques mots.
Maintenant, il passe depuis deux jours sans prononcer un seul mot. Aussi ai je
demandé à ma bonne de mettre mon oreiller à la porte. J'y pose ma tête bandée,
et lorsque le Prophète passe par là, il entend mes gémissements et entre pour
me parler comme il le faisait précédemment".
Hélas ! `Âyechah n'avait pas pu comprendre la situation. Elle aurait dû
trembler en pensant à son sort ainsi prédit indirectement par le Prophète. Elle
savait qu'il n'était pas d'assez bonne humeur pour prononcer de tels mots par
plaisanterie, et que la situation ne prêtait pas à une telle plaisanterie
sinistre avec sa femme bien-aimée qui était encore jeune alors qu'il avait
atteint, lui, l'âge avancé de soixante-trois ans, pas du tout inconscient des
prémonitions de sa fin, et souffrant gravement de maux de tête et de fièvre.
La prédiction se réalisera quelques quarante ans plus tard, lorsque, à l'époque
de Mo`âwiyeh, `Âyechah sera enterrée vivante. Elle n'aura pour elle ni
toilette mortuaire, ni drap pour l'envelopper, ni cercueil, ni prière sur son
âme. Dans son "History of Saracens" (p. 375), Simon Ockley, citant
une note de Price, écrit : "Selon un récit, `Âyechah fut assassinée
sous le gouvernement de Mu`âwiyeh"; et de donner ces détails concernant
cette affaire : "`Âyechah ayant résolument et avec affront refusé de
prêter allégeance à Yazîd, Mu`âwiyeh la convoqua pour un entretien. IL avait
fait préparer un puits ou un trou très profond dans la partie de la pièce
réservée à sa réception, et il en fit couvrir l'orifice avec des branches et
des nattes de paille. Une chaise fut placée au-dessus de l'endroit fatal. Lorsque
`Âyechah fut conduite à son siège, elle s'enfonça dans une nuit
éternelle. L'orifice du trou fut immédiatement rebouché avec des pierres et du
mortier". Ainsi, `Âyechah fut enterrée sans faste tout comme elle
s'était mariée sans faste.
La Dernière Maladie du Prophète
La fièvre du Prophète revint à la charge dans la maison de Maymûnah, en
s'aggravant et avec des accès occasionnels d'évanouissement. Toutes ses femmes
et tous ses parents se rassemblèrent pour le voir. On lui conseilla de ne plus
se déranger pour rendre visite à tour de rôle à toutes ses femmes, comme il le
désirait, et de rester tranquille dans un même endroit pendant sa maladie. La
maison de `Âyechah fut proposée et admise à ce propos, d'une façon
unanime. Le Prophète, la tête bandée et les vêtements mis hâtivement autour de
son corps, fut conduit à la demeure de `Âyechah, soutenu par al-Fadhl, le
fils d'al-`Abbâs d'un côté, par `Ali son cousin et fils adoptif de l'autre.
Selon le récit fait par `Âyechah, celle-ci affirme que le Prophète était
soutenu d'un c6té par al-Fadhl, de l'autre par une autre personne. Elle
répugnait à citer le nom de `Ali, en raison du sentiment d'inimitié qu'elle
éprouvait pour lui.
`Âyechah Espionne les Mouvements du Prophète
Une nuit, alors qu'il se trouvait dans la maison de`Âyechah, le Prophète
se leva doucement de son lit et sortit dehors. `Âyechah pensa qu'il
allait chez une autre femme et le suivit à pas de loup jusqu'à ce qu'il arrivât
au cimetière de Baqî` où il pria pour le pardon de ceux qui y reposaient. Avant
qu'il ne retournât, elle se hâta vers sa maison, où tout de suite après le
Prophète arriva. IL devina ce qu'elle avait fait et l'interrogea.
`Âyechah n'avait d'autre solution que d'avouer. IL lui dit : "Tu
m'as soupçonné d'être allé chez une autre femme alors que je me suis rendu au
cimetière par obéissance au Commandement d'Allah". Selon un autre récit,
le Prophète fut suivi par Borayah, la bonne, envoyée par `Âyechah pour
surveiller le Prophète. Selon une troisième version de ce fait, c'est Abû Râfi`,
le serviteur du Prophète qui l'accompagna. Un quatrième récit affirme que c'est
Abû Muwayhebah qui alla avec lui.
Hâter l'Expédition vers la Syrie
Bien que la maladie du Prophète s'aggravât de jour en jour, elle ne le confina
toutefois pas totalement à la maison. Il maintint l'habitude d'aller chaque
jour au Masdjid par la porte de son appartement donnant sur la cour, pour
diriger la prière. Une semaine après avoir appelé ses hommes à préparer
l'expédition vers la Syrie, il s'aperçut qu'ils ne s'empressaient pas d'aller
au camp de rassemblement à Jorf. Il était en colère d'entendre les gens dire :
"Il choisit un adolescent pour commander le chef des Muhâjirin". Un
jour, après la prière, il s'assit sur la chaire, la tête toujours bandée avec
une serviette, et s'adressa ainsi à l'assistance : "Ô vous les
hommes ! Qu'est-ce que cela veut dire ? On dit que certains d'entre vous
grognent contre le fait que j'aie nommé Osâmah pour le commandement de
l'expédition vers la Syrie. Si vous me reprochez maintenant cette nomination,
désormais vous me blâmerez aussi pour la nomination de son père, Zayd. Je
voudrais que vous le traitiez bien, car il est l'un des meilleurs d'entre vous.
Maudit soit celui qui s'abstient de rejoindre l'armée". IL demanda ensuite
que l'expédition fasse mouvement le plus tôt possible, et quittant la chaire,
il rentra chez lui.
Avertissement aux Muhâjirîn et aux Ançâr
Un autre jour, toujours après la prière, il dit à l'assemblée : "Le
Seigneur a donné d Son serviteur le choix de continuer dans cette vie, alors
qu'elle est pour lui ténèbres. Quant à moi, j'ai choisi l'autre vie. Tous les
autres Prophètes moururent avant moi. Vous ne devriez pas vous attendre à ce
que je vive éternellement". Après un moment de silence, il poursuivit :
"Vous 1es Ançâr ! Traitez bien ceux à qui vous avez donné refuge. Et vous
les Muhdjirîn ! Les Ançàr me sont sûrement chers, car c'est parmi eux que j'ai
trouvé refuge. Honorez-les donc et traitez-les bien". Puis, il récita la
Sourate al-`Açr : "Par le temps ! Oui, l'homme est en perdition, sauf ceux
qui croient; ceux qui accomplissent des œuvres bonnes; ceux qui se recommandent
mutuellement 1a Vérité, ceux qui se recommandent mutuellement la
patience", et le verset 24 de la Sourate Mohammad : "Que peut-on
attendre de vous, si vous déteniez l'autorité, sinon semer la corruption sur la
terre et rompre vos liens de parenté". IL mit ainsi en garde ses
Compagnons contre leurs desseins malicieux.
De l'Or Destiné à l'Aumône
Un jour, le Prophète interrogea `Âyechah sur l'or qu'il lui avait confié
pour qu'elle le gardât. IL s'agissait de sept dinars, le reliquat d'une somme
qu'il avait reçue pour la distribuer comme aum6ne. `Âyechah ayant répondu
qu'elle l'avait chez elle, il lui demanda de le distribuer parmi les pauvres.
Puis il tomba dans un état de semi inconscience. Peu après, lorsqu'il reprit
connaissance, il demanda encore à `Âyechah d'offrir l'or en charité. IL
réitéra sa demande une troisième fois mais vainement. A la fin il lui reprit
l'argent et le confia à `Ali qui le distribua tout de suite aux familles
pauvres.
Le Prophète Empêché de Transcrire sa Volonté
Le Jeudi précédant sa mort, et alors que beaucoup de ses principaux Compagnons
étaient présents dans la chambre, le Prophète, étendu sur son lit, demanda qu'on
lui apportât ce qu'il fallait pour écrire quelque chose :
"Apportez-moi du papier et de l'encre afin que je puisse consigner pour
vous un document qui vous évitera de retomber dans 1'erreur". `Omar
s'interposa immédiatement ainsi : "L'homme est en délire. Le Livre de Dieu
(Une grande partie des Musulmans considère cette phrase de Omar comme un geste
de séparation de l'orthodoxie établie par le Prophète qui avait ordonné à tout
le monde à suivre le Coran et sa Famille, en déclarant : "Je vous laisse
deux grands Préceptes dont chacun dépasse l'autre en grandeur : le Livre de
Dieu et ma Famille. Ils ne se sépareront pas jusqu'à ce qu'ils me rencontrent
au Paradis") nous suffit". Quelques-uns parmi l'assistance dirent
qu'il fallait apporter le nécessaire pour écrire; d'autres se rangèrent du côté
de `Omar. La discussion s'anima et des voix s'élevèrent très haut pour
contrarier le Prophète. Les dames derrière les rideaux voulurent fournir le
matériel de l'écriture mais `Omar les rabroua : "Silence ! dit-il. Vous
êtes comme les femmes de l'histoire de Joseph. Lorsque votre maître tombe
malade, vous fondez en larmes et dès qu'il va un peu mieux, vous vous mettez à
faire des taquineries". Ayant entendu ces propos, le Prophète dit :
"Ne les grondez pas : Elles valent sûrement beaucoup mieux que vous
cependant". Maintenant quelques personnes se mirent à demander au Prophète
ce qu'il désirait enregistrer. Mais le Prophète récita sur un ton de colère le
verset 2 de la sourate al-Hujurât (IL est dit que ce verset fut descendu à la
suite d'une dispute entre Abû Bala et Omar concernant la nomination du
gouverneur d'une ville, au cours de laquelle ils élevèrent la voix si haut en
présence du Prophète qu'on pensa qu'il convenait d'interdire de telles
indécences dans l'avenir (Sale). Le non-respect de ce Commandement conduit le
Prophète à rappeler l'avertissement à cette occasion) (« Ô vous les
croyants ! N'élevez pas la voix au-dessus de celle du Prophète. Ne lui adressez
pas la parole d voix haute, comme vous le faites entre vous, de crainte que vos
œuvres ne soient vaines, sans que vous vous en doutiez"). Et dit :
"Allez-vous en ! Laissez-moi seul ! Car ma condition présente est
meilleure que celle à laquelle vous m'appelez". Après avoir marqué une
pause, il poursuivit : "Mais faites attention aux trois injonctions
suivantes : un, chassez tout Infidèle de la Péninsule; deux, recevez avec
hospitalité les délégations et offrez-leur le repas avec largesse, de la même
façon que je le faisais". Quant à la troisième injonction, on dit qu'elle
a été oubliée par le narrateur ou que sa mention a été omise.
Ibn `Abbâs se lamenta sur l'irréparable perte subie par les Musulmans ce Jeudi,
par suite de l'empêchement du Prophète d'écrire ce qu'il voulait pour la
guidance de ses adeptes. Se rappelant cet événement, il pleura jusqu'à ce que
ses joues et sa barbe fussent mouillées par ses lamies.
La maladie du Prophète s'aggravait chaque jour un peu plus et il en était très
conscient. L'expédition de Syrie le préoccupait cependant sérieusement. Il
continua à dire à ceux qui l'entouraient : "Envoyez rapidement 1'armée
d'Osâmah".
Abû Bakr Conduit la Prière
C'est un fait admis que jusqu'au soir du Jeudi précédant son décès, le Prophète
continua à aller au Masjid pour diriger les prières à toutes les occasions.
Mais la nuit de ce Jeudi-là, on dit qu'il ne put présider à la congrégation.
IL y a beaucoup de hadiths qui affirment que c'est Abû Bakr qui conduisit la
prière de nuit ce jour-là. On dit qu'à dix-sept reprises, le Prophète
recommençant à faire la prière de la nuit du Jeudi précédant sa mort, et ne
pouvant pas présider à la congrégation au Masdjid, commanda à Abû Bakr de
diriger la prière. IL est admis également que le matin du jour de sa mort, le
Prophète alla au Masdjid, s'assit à côté d'Abû Bakr qui présida à l'assemblée
et que lorsque les prières prirent fin, le Prophète fit un sermon du haut de la
chaire avec une voix si puissante que sa portée dépassa de très loin les portes
extérieures du Masdjid
Voici une tradition concernant ce fait: "A l'heure de la prière de nuit du
Jeudi, le Prophète donna l'ordre de demander à Abû Bakr de diriger les prières.
`Âyechah dit alors : "Ô Prophète ! Abû Bakr a le cœur
fragile. Ordonne plutôt que `Omar dirige les prières". Le Prophète
consentit à cette demande, mais `Omar en recevant l'ordre du prophète objecta
qu'il ne pouvait pas remplacer Abû Bakr tant qu'il était présent. Finalement ce
fut Abti Bakr qui dirigea les prières. Dans l'intervalle, le Prophète se
sentant suffisamment rétabli, vint au Masdjid Abû Bakr ayant vu le Prophète
arriver, s'apprêta à regagner sa place dans l'assemblée, pour laisser le lieu
libre pour le Prophète. Mais ce dernier le retint par ses vêtements et lui
ordonna de rester là où il était et il prit place à côté de lui, et se mit à
réciter alors qu'Abû Bakr dirigeait la prière".
Ibn Khaldûn dit qu'à dix-sept reprises le Prophète dirigea de la même manière
les prières d'Abû Bakr en étant assis à côté de lui alors que la congrégation
était dirigée par ce dernier.
Selon une autre tradition, le Prophète avait ordonné à
`Abdullah Ibn Zam`ah de demander aux membres de la congrégation de lire
eux-mêmes les récitations des prières. Alors que `Abdullah se dirigeait vers le
Masdjid, `Omar fut le premier à le rencontrer. Aussi lui demanda-t-il de
diriger les prières. `Omar se mit alors debout et de sa voix puissante il
commença à réciter la formule préparatoire à la prière, "Allâhu
Akbar". Le Prophète entendant la voix de `Omar depuis son appartement
s'écria : "Non ! Non ! Ne laissez personne d'autre qu'Abû Bakr diriger les
prières". `Omar se retira et désapprouva la conduite de Zam`ah. Celui-ci
reconnut alors que le Prophète ne lui avait nommé aucune personne en
particulier pour conduire les prières.
Une troisième tradition affirme : "Lorsque l'heure de la prière en
assemblée fut arrivée, le Prophète demanda de l'eau pour faire ses ablutions.
Mais essayant de se lever, ses forces le trahirent au point qu'il commanda
qu'Abû Bakr récite les prières dans la congrégation. Et ayant donné cet ordre,
il s'évanouit. Dès qu'il reprit connaissance, il demanda si Abû Bakr avait bien
reçu son ordre. `Âyechah répondit qu'Abû Bakr avait le cœur tendre, qu'il
pleurerait et que les gens entendraient difficilement sa voix; bref, qu'Omar
conviendrait mieux, s'il recevait l'ordre de diriger les prières. Mais le
Prophète réitéra l'ordre qu'Abû Bakr récite les prières à la congrégation.
`Âyechah recommanda encore `Omar pour cette tâche, mais le Prophète
voulait que personne d'autre qu'Abû Bakr ne fasse les récitations. Ensuite, sur
l'insistance de Âyechah, on exhorta le Prophète à autoriser `Omar à
présider à la congrégation. Contrarié et irrité, le Prophète s’exclama :
"Vraiment vous êtes pareils aux femmes stupides de l'histoire de Joseph !
Faites exécuter tout de suite l'ordre que j'ai donné". L'ordre fut donné
et Abû Bakr se mit à réciter le Takbîr. Dans l'intervalle, le Prophète ayant
récupéré ses forces, était venu au Masdjid, soutenu par `Ali et `Abbâs. Lorsque
Abû Bakr entendit le bruissement des vêtements du Prophète, il s'apprêta à
revenir en arrière pour se ranger parmi la congrégation, mais le Prophète lui
ordonna de rester à sa place et il s'assit à côté de lui. Ainsi, dans la
prière, Abû Bakr fut dirigé par le Prophète et la congrégation par Abû Bakr.
Selon une tradition, Hafçah avait donné l'ordre à Bilâl de faire en sorte que
son père (`Omar) dirigeât les prières publiques. A la suite de quoi, Mohammad
la réprimanda et dit : "Elle est comme les femmes de l'histoire de
Joseph". Et d'ajouter : "Dis à Abû Bakr de diriger les prières, car
vraiment, si je n'en fais pas mon député, les gens ne lui obéiront pas (K.
Wâqidî, p.145, cité par Muir, Vol. IV, p. 266).
"On dit qu'Abû Bakr dirigea les prières pendant trois jours avant le décès
du Prophète. Selon une autre tradition, il dirigea les prières à dix-sept
occasions, ce qui équivaudrait à trois jours et une partie du quatrième"
(K. Wâqidî, p.145, cité par W. Muir, Vol. IV, p. 264).
Il ressort des différentes traditions précitées que le Prophète sortit jusqu'au
dernier jour de sa vie au Masdjid et dirigea lui-même les prières. IL est
raisonnable aussi de penser, que le Prophète ayant déjà donné l'ordre à Abû
Bakr de partir avec l'armée de Osâmah et invoqué la malédiction contre qui
conque négligerait d'exécuter l'ordre de rejoindre l'armée n'eût pas pu en même
temps lui donner l'ordre de présider aux Prières Publiques à Médine - ce qui
aurait supposé qu'Abû Bakr se fût trouvé à Médine, contrairement à son ordre
précédent qu'il ne retira pas jusqu'à sa mort.
On dit que le droit de présider à une prière publique était toujours reconnu
comme le signe manifeste du chef du pouvoir séculier. Si Abû Bakr avait été
vraiment désigné pour présider aux Prières Publiques, les Ançâr qu'on prétend
s'être rassemblés à Saqîfah pour choisir un Calife alors que le corps du
Prophète n'avait encore été ni lavé ni enseveli, n'auraient pas osé
entreprendre si hâtivement cette initiative en infraction avec un si récent
ordre du Prophète, négligeant à ce point le fait que la prétendue désignation
d'Abû Bakr pour diriger les prières aurait signifié qu'il avait été investi de
l'Autorité Suprême.
Une grande partie des Musulmans infèrent donc d'une manière probante que
l'imamat d'Abû Bakr fut imaginé après coup afin de justifier son accession au
Pouvoir Suprême après la mort du Prophète.
Un autre jour, le Prophète s'adressa au peuple, après les prières, dans les
termes suivants : "Frères ! Si j'ai causé injustement à quiconque
d'entre vous un mal, je soumets mes épaules d sa vengeance. Si j'ai calomnié la
réputation de quiconque d'entre vous, qu'il vienne relever mes fautes devant
l'assemblée. Si je dois quoi que ce soit à quiconque, qu'il s'avance pour me
réclamer son dû, le peu que je possède servira d m'acquitter. Je préfère subir
un affront dans ce monde plutôt que dans l'autre". Et le Prophète
d'ajouter : "Je n'ai rendu Iégal que ce que Dieu avait rendu légal, et je
n'ai interdit que ce que Dieu avait prohibé".
Un homme sortit des rangs de l'assistance et réclama trois dirhams qui lui
furent payés tout de suite. Après quoi, le Prophète rentra à la maison.
Dans la nuit du Samedi, la maladie du Prophète prit un tournant sérieux, et la
fièvre, dit-on, ne diminua pas jusqu'au Dimanche soir. Dimanche, Osâmah sortit
de son camp pour recevoir les bénédictions du Prophète avant son départ pour la
Syrie, mais au moment de sa visite le Prophète était inconscient et évanoui.
Osâmah lui parla, mais le Prophète ne lui répondit que par un mouvement de la
main qu'Osâmah prit entre les siennes. Puis baisant la main et le front du
Prophète, Osâmah retourna à son camp.
La Dernière Prière et le Dernier Sermon du Prophète dans son Masdjid
Tôt le lundi matin (le jour de Sa mort), le Prophète, toujours la tête bandée,
sortit au Masdjid, soutenu par deux hommes. Après les prières, il fit un court
sermon, d'une voix qu'on entendait au-delà des portes extérieures du Masdjid,
lequel était inhabituellement rempli par les gens anxieux qui étaient venus
s'enquérir de son état après la crise de la nuit précédente. Dans son sermon,
le Prophète dit que les esprits malfaisants étaient proches et que la plus
noire partie d'une nuit noire et tempétueuse s'approchait. A la fin du sermon,
Abû Bakr dit : "Ô Prophète ! Par la Grâce de Dieu, tu es mieux
aujourd'hui !" Osâmah était lui aussi présent, pour recevoir les
bénédictions du Prophète qui lui dit : "Dépêche-toi avec ton armée; que la
bénédiction de Dieu soit avec toi". Osâmah retourna au camp et donna
l'ordre du départ le même jour. Abti Bakr revint chez lui à al-Souh.
La Mort du Prophète
Le Prophète regagna sa maison et, exténué, se jeta sur son lit. Ses forces le
lâchèrent rapidement.
IL appela toutes ses femmes près de lui et leur donna les instructions nécessaires en leur ordonnant de rester tranquilles dans leurs maisons et de ne pas se montrer dans un état de l'Epoque de l'Ignorance (Sourate al-Ahzâb, verset 33). Fatima, sa fille bien-aimée pleurait. Il l'appela, la fit asseoir à c6té de lui et chuchota quelques mots dans son oreille. Elle fondit en larmes.
Le Prophète glissa encore quelques mots dans son oreille et essuya ses larmes avec ses mains. Elle parut alors réconfortée et sourit. Puis il appela al-Hassan et al-Hussayn, ses deux fils chéris qu'il n'avait cessé de caresser dans son giron depuis des années, voulant les embrasser pour la dernière fois. Al-HasAl Hassan Son visage sur celui du Prophète et al-Hussayn se jeta sur sa poitrine. Chacun d'eux se mit à sangloter et à crier avec une telle amertume que toute l'assistance vit leurs larmes perler dans leurs yeux.
Le Prophète les étreignit et les embrassa avec beaucoup d'affection et ordonna à toutes les personnes présentes de les traiter, ainsi que leur mère avec grand amour et respect, exactement comme il les traitait lui-même (le Prophète avait l'habitude de se lever et de faire un ou deux pas en direction de Fatima chaque fois qu'il la voyait venir vers lui. Il l'accueillait toujours avec une joie manifeste. Puis baisant sa main, il la faisait asseoir à sa propre place). Ensuite, il appela `Ali qui prit place près du lit.
Le Prophète lui ordonna de rendre la somme qu'il avait empruntée à un certain Juif pour couvrir les frais de l'expédition d'Osâmah, et lui enjoignit d'endurer avec patience et résignation les troubles auxquels il serait confronté après sa mort. IL lui demanda de rester patiemment sur son droit chemin menant à l'autre monde, lorsqu'il constaterait que les gens se trouveraient sur celui menant vers le monde d'ici-bas.
Le Prophète prit la tête de `Ali sous son manteau qui les
couvrit tous deux, et ce jusqu'à ce que `Ali ait sorti sa tête pour annoncer la
mort du Messager de Dieu.
Ibn Sa`d et al-Hâkim ont noté que le Prophète avait rendu le dernier soupir, sa
tête dans le giron de `Ali (Madârij al-Nubuwwah).
Les derniers mots prononcés par le Prophète, selon `Ali furent : "La compagnie bénie dans 1e Ciel. Les prières", après quoi il s'est étiré doucement, et puis tout ont été finis.
Que la paix éternelle soit sur lui et sur les membres de sa famille qui se sont sacrifiés pour la cause de l'Islam et qui nous ont dirigés sur le droit chemin. Fatima, se frappant le visage et se lamentant d'amertume rejoignit les autres femmes qui gémissaient bruyamment. C'était à peine midi passé, le Lundi 2 Rabî` I de l'an onze (calculé en commençant par le mois de Moharrem), que le Prophète rendit l'âme, à l'âge de soixante-trois ans.
Les autres dates de la mort du Prophète, signalées par
d'autres sources sont le 28 Çafar et le 12 Rabî`I. Le jour de son décès
retenu unanimement est cependant un lundi.
Selon une tradition, avant la mort du Prophète, quelqu'un avait demandé la
permission de lui rendre visite, alors qu'il se trouvait dans un état
d'inconscience.
Fatima répondit au visiteur que le moment ne convenait pas à une telle intrusion. Sans prêter attention à la réponse, le visiteur avait demandé encore la permission de se rendre auprès du Prophète, et Fatima lui répondit de la même façon. Il réitéra sa demande une troisième fois sur un ton si horrible que Fatima en fut terrifiée. Jibrîl (l'ange Gabriel) qui était descendu en ce moment-là pour visiter le Prophète dit à ce dernier : "Ô Prophète ! C'est l'ange de la Mort.
IL te demande la permission d'entrer. Jamais auparavant, il n'a demandé la permission à aucun homme, et jamais par la suite il ne fera preuve d'une telle sollicitude envers aucun autre". Le Prophète demanda alors à Fatima de le laisser entrer.
L'ange de la Mort entra et s'arrêtant devant le Prophète,
dit : "Ô Prophète du Seigneur ! Dieu m'a envoyé à toi et m'a donné
l'ordre d'agir selon ton désir. Ordonne-moi d'arracher ton âme, je le ferai; ou
bien ordonne-moi de la laisser, et je t'obéirai". Alors, Jibrîl
s'interposa : "Ô Ahmad ! Le Seigneur te désire (auprès de
LUI)". "Vas-y donc, dit le Prophète à l'ange de la Mort, et fais ton
travail". Jibrîl fit ses adieux au Prophète dans ces termes : "Que la
paix soit sur toi Ô Prophète du Seigneur ! Ma descente sur terre se
termine avec toi". Le Prophète en décida ainsi et un gémissement de voix
céleste s'éleva du convoi funèbre invisible.
La nouvelle de la mort du Prophète se répandit vite dans toute la ville de
Médine et les gens affluèrent vers le Masdjid de toutes parts pour savoir la
vérité. Abû Bakr se trouvait dans sa maison, à al-Sonh dans la banlieue de
Médine. `Âyechah envoya Salim B. Abid pour le chercher tout de suite.
Omar Joue une Scène Bizarre
Entre-temps une scène bizarre se jouait dans le Masdjid En effet, à peine après
la mort du Prophète, `Omar entra dans l'appartement du Prophète et enlevant le
drap qui couvrait son corps, regarda fixement les traits du Prophète, lequel
semblait tombé dans un sommeil paisible. Remettant doucement la couverture sur
le corps, il s'exclama : "le Prophète n'est pas mort Il est parti auprès
de Son Seigneur, comme l'avait fait avant lui Mûsà, pour s'absenter pendant
quarante jours.
Il retournera parmi nous encore". Brandissant son épée, il s'écria : "Je couperai la tête de quiconque oserait dire que le Prophète est mort". Alors que `Omar haranguait les gens de cette façon, Abû Bakr apparut.
IL écouta `Omar pendant un moment, puis emprunta la porte de l'appartement de `Âyechah, où il enleva à son tour le drap couvrant le corps du Prophète, se pencha sur lui et l'embrassa sur le front. Puis en posant la tête sur ses mains, il la leva légèrement et scruta les traits du visage minutieusement. Puis, reposant la tête doucement sur l'oreiller, il s'exclama: "Oui, doux tu étais dans la vie et doux tu es dans la mort. Hélas mon maître ! Tu es effectivement mort". Recouvrant le corps, il s'avança et se dirigea tout de suite vers l'endroit où `Omar brandissait son épée et haranguait les gens. "Calme-toi `Omar ! Assieds-toi !" s'écria-t-il. Mais `Omar ne l'écouta pas.
IL se tourna alors vers l'assistance et dit : "Avez-vous déjà oublié le verset coranique qui avait été révélé au Prophète après le jour d'Ohod («Mohammad n'est qu'un Prophète; des prophètes sont morts avant lui. Retourneriez-vous sur vos pas, s'il mourait ou s'il était tué ?", (Sourate Âle `Imrân, verset 144). Et ignorez-vous l'autre verset coranique révélé au Prophète : "Tu vas sûrement mourir, (Ô Mohammad) et eux aussi vont mourir" (Sourate al-Zomar, 30). Et Abû Bakr de poursuivre : "Que celui qui adore Mohammad sache que Mohammad est vraiment mort, mais que celui qui adore Dieu sache que Dieu est immortel :
IL est vivant et ne meurt pas". La vérité étant à présent connue, l'assistance se mit à pleurer à chaudes larmes. On eût dit que les gens n'avaient jamais eu connaissance auparavant de ces versets coraniques, puisqu'on dut les leur répéter.
Omar lui-même, en les entendant fut frappé d'horreur. Plus tard il dira qu'ayant entendu Abû Bakr réciter lesdits versets, il se mit à trembler et s'écroula, et qu'il sut après avec certitude que le Prophète était vraiment mon. Om Aymân avait envoyé un messager à son fils Osâmah à Jorf pour l'informer de la condition critique du Prophète.
Osâmah avait déjà donné l'ordre à l'armée de se mettre
immédiatement en marche et son pied était sur l'étrier lorsque le messager de
sa mère arriva. Abasourdi par la nouvelle, Osâmah dispersa l'armée et retourna
à Médine précédé par Boraydah B. al-Haçib, son porte-drapeau qui se dirigea
directement vers le Masdjid où il planta l'étendard à la porte de la maison
dans laquelle le Prophète était étendu mort.
Peu après ces péripéties, dans l'après-midi, un ami vint précipitamment vers
Abû Bakr et `Omar au Masdjid pour les informer que plusieurs notables de Médine
s'étaient réunis dans Saqîfah Banî Sâ`idah et qu'ils étaient en train d'élire
comme dirigeant Sa`d B. `Obâdah. "Si vous voulez détenir l'Autorité
Suprême, vous n'avez pas un moment à perdre, et vous devez arriver là-bas avant
que l'affaire soit réglée et que l'opposition devienne dangereuse", leur
dit-il. Ayant entendu cette nouvelle, Abû Bakr et `Omar accoururent à Saqîfah
en compagnie d'Abû `Obaydah et de plusieurs autres personnes.
Entre-temps, `Ali, ignorant ce qui se tramait à l'extérieur était occupé, à l'intérieur de la maison, à la préparation du lavage du corps du Prophète, en compagnie de `Abbâs et de ses deux fils, Fadhl et Qutham, ainsi que d'Osâmah et Çâleh ou Charqân. Ayant fermé la porte de l'appartement et arraché un rideau d'un drap de tissu du Yémen, ils y mirent le corps pour le laver.
Ali était la seule personne désignée par le Prophète pour laver son corps (comme il l'avait d'ailleurs prédit lorsqu'il avait donné le premier bain à `Ali au moment de sa naissance) puisqu'il avait dit que tout personne autre que `Ali qui regarderait sa nudité serait aveugle sur-le-champ. Ainsi `Ali lava le corps et les autres l'aidèrent.
Après le lavage du corps, ils l'amenèrent dehors et ils le revêtirent des vêtements dans lesquels il était mort. Deux draps de beau tissu blanc furent enroulés autour du vêtement et au-dessus de tout cela fut posé un drap de tissu rayé du Yémen. Puis vint le moment de la prière sur le corps.
Tout d'abord les
proches parents, suivis par les Partisans et les Compagnons du Prophète,
entrèrent dans la maison par groupes de dix personnes à la fois, et prièrent
sur lui. Le corps resta ainsi jusqu'au moment de l'enterrement.
Les gens tombèrent en désaccord quant au lieu d'enterrement du Prophète. La
question fut tranchée par `Ali qui affirma avoir entendu le Prophète dire que
là où un Prophète meurt il doit être enterré. A Médine, il y avait deux
fossoyeurs, Abû `Obaydah al-Jarrâh qui creusait les tombes des Mecquois et Abû
Talhah Zayd B. Sâhel qui creusait les tombes des Médinois. `Abbâs envoya un
homme pour les chercher tous les deux. Abû `Obaydah n'était pas chez lui, étant
donné qu'il se trouvait avec Abh Bakr et `Omar à Saqîfah, occupé aux questions
du Califat (la succession du Prophète); donc on ne pouvait pas faire appel à
ses services. Abû Talhah vint et creusa le tombeau du Prophète.
L'enterrement eut lieu le mardi dans la nuit, ou le mercredi, t6t le matin. Le corps fut descendu dans le tombeau par les mêmes proches parents qui l'avaient lavé et transporté dehors. `Ali fut la dernière personne à quitter l'intérieur du tombeau. Le Lahad, ou la voûte, une fois refermé, le tombeau fut rempli de terre arrosée d'un peu d'eau.
Les gens quittèrent alors la tombe et se dirigèrent vers la maison de Fatima pour la consoler dans son deuil. `Âyechah continua à vivre dans la chambre contiguë à celle qui abritait le tombeau.