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Éléments de Science du Hadith

Mo’assasat al-Balâgh

La Sunnah du Prophète

La Définition de la Sunnah   La Sunnah dans la langue: le mot sunnah avait été employé dans la langue des Arabes du préislam dans le sens de conduite (sîrah) et façon ou méthode (tarîqah). Il est défini également comme étant la méthode suivie. Et selon al-Kisâ'î, la Sunnah signifie la pérennité, la continuité etc. Mais après l'avènement du Message de l'Islam, le Coran a employé le mot Sunnah pour désigner des sens et des concepts techniques et particuliers. Parmi ces emplois, soulignons celui qui figure dans les Versets Coraniques suivants: «Selon la Sunnah d'Allah à l'égard de ceux qui vécurent autrefois. Tu ne trouveras aucun changement dans la Sunnah d'Allah». «Tu ne trouveras ni changement ni déviation dans la Sunnah d'Allah». Le Coran emploie le mot Sunnah ici au sens de "Loi sociale", loi selon laquelle cheminent le mouvement de l'histoire et de la société ainsi que les événements de la vie humaine. Et de même que le Coran enrichit le mot Sunnah par des notions et des sens divers, de même le Saint Prophète l'a employé pour désigner sa conduite et sa méthode législative consistant en ses paroles, ses actes et ses approbations tacites. Ainsi, alors que le Coran emploie le mot Sunnah, suivi du complément de nom "Allah" (la Sunnah d'Allah), au sens de la loi naturelle qui régit par la Volonté d'Allah le mouvement des événements et de l'histoire, le Saint prophète, l'utilise, lorsqu'il est suivi du complément de nom de sa Sainte personne, "la Sunnah du Prophète", pour exprimer sa conduite ou sa méthode législative. Mais à cause de l'emploi courant et fréquent de l'expression "la Sunnah du Prophète", le mot "Sunnah" toute courte finit par devenir synonyme de cette dernière expression et, désormais, qui dit Sunnah entend la Sunnah du Prophète. C'est dire que la signification linguistique ou étymologique du mot Sunnah a cédé la place au terme technique islamique.

Le mot Sunnah, comme terme technique

 

Le Saint prophète est le communicateur du Message d'Allah et l'interprète de Sa Législation. C'est pourquoi les Musulmans ont pris un soin particulier pour conserver, mémoriser, sauvegarder, étudier et définir la Sunnah du Saint Prophète, et ce afin qu'elle soit précise et claire et qu'elle permette qu'on en déduise les dispositions de la Loi et qu'on l'applique. Car elle est la seconde source de la législation islamique, après le Saint Coran.

Nous citons ci-après quelques définitions de la Sunnah présentées par différents faqîh:

Selon le faqîh (jurisconsulte) hanbalite, spécialiste en Science des Fondements: "La Sunnah est du point de vue linguistique, la coutume: ainsi la Sunnah de chacun, c'est ce qu'on fait régulièrement et fréquemment, peu importe que ce soit une bonne chose ou non(...) Mais sur le plan de la Loi islamique, ce mot peut désigner les actes d'adoration recommandés (surérogatoires) attribués au Saint Prophète(...) Il désigne aussi les paroles, les actes et les approbations tacites du Saint Prophète".

Et selon le “traditionniste” (rapporteur de traditions) et faqîh, Fakhr al-Dîn al-Turayhî: "La Sunnah, dans la langue, c'est la coutume et la voie suivie par quelqu'un. Mais, dans la terminologie des uléma et des spécialistes, c'est la tradition du Saint Prophète, sous toutes les formes de son expression: parole, actes et approbation tacites".

Il ressort de ce qui précède que la Sunnah signifie sur le plan linguistique, la façon ou la voie suivie continuellement et systématiquement, alors que dans la terminologie des uléma, elle désigne tout acte, toute parole et toute approbation du Saint Prophète.

La Sunnah peut désigner aussi, parfois, comme nous venons de le voir, les actes recommandés et surérogatoires. C'est pourquoi, on dit les sunan (plur. de sunnah) du Messager d'Allah, et les faqîh (jurisconsultes) emploient ce terme par opposition au mot "bud`ah" (hérésie). Ainsi, on dit: "C'est une sunnah" pour désigner tout acte qui tire son origine de la législation islamique, et: "C'est une "bud`ah", pour désigner tout élément intrus dans la Religion.

Pour récapituler, le terme sunnah couvre plusieurs sens. Il désigne tantôt la parole, l'acte et l'approbation du Saint Prophète, tantôt ses actes surérogatoires et recommandés, tantôt tout acte qui tire son origine de la Législation islamique, par opposition à tout acte fait au nom de la Religion, mais qui est élément intrus.

Les parties de la Sunnah du Prophète    

Depuis que le Saint Prophète reçut la Révélation, il s'appliqua à communiquer aux gens le Message divin et à en expliquer les statuts et les concepts, par la parole et les actes. Conformément à l'ordre d'Allah après l'enseignement de l'Unicité, les premiers actes d'adoration et d'obligation qu'il enseigna à ses adeptes étaient l'ablution (wodhû') et la prière. Puis il leur expliqua les règles de leur Religion, comment devrait être leur conduite sociale, les modalités de la diffusion de l'Appel à l'Islam, la façon de traiter avec les Mécréants qui les entouraient etc. Et c'est à travers ces déclarations et explications relatives aux actes d'adoration, au système social et moral, ainsi que par sa conduite et sa façon de traiter avec l'ennemi, que s'est constituée une richesse législative dans laquelle puiseront les jurisconsultes et les mujtahid (Docteur de la Loi) des générations futures.

Lorsqu'il émigra à Médine, cette émigration, en soi, constitua une partie vivante de sa conduite et de sa Sunnah. Et une fois établi dans cette terre d'accueil, il poursuivit l'exposition de la Loi islamique par ses prêches, ses déclarations, ses correspondances, et par les actes de sa vie quotidienne pratique. Ainsi, sa façon d'accomplir les actes cultuels, son exercice du pouvoir, de la direction spirituelle et des affaires de la justice, sa conduite envers les ennemis (qu'ils fussent des Gens du Livre- Juifs et Chrétiens- ou des polythéistes pendant la guerre ou la paix) son administration de l'État et de la société, son commandement de l'armée, l'explication des dispositions du Coran, son comportement dans les batailles, sa méthode de la diffusion de l'Appel, tout cela constitue sa Sunnah (Tradition) et sa conduite dans la vie pratique.

Le Saint Prophète, outre le fait d'avoir expliqué par la parole et les actes le contenu de la législation islamique, il avait fixé les éléments de celle-ci par une 3ème voie, l’approbation tacite. En effet, il vivait dans une société qui avait ses propres règles, normes et pratiques sociales, tels l'achat et la vente, la location, l'héritage, le mariage, le divorce etc... qu'il lui fallait harmoniser avec les exigences de la Loi islamique. Aussi, interdit-il certaines de ces règles et pratiques et en approuva-t-il certaines autres conformément aux fondements de la Charî`ah (la Loi islamique) et à ses objectifs, visant le changement et la reconstruction. De plus, certains de ses Compagnons, accomplissaient des actes à propos desquels il ne disait rien ni ne désapprouvait, car ces actes ne s'opposaient pas à l'esprit de la Charî`ah et ne se trouvaient pas en contradiction avec elle. Le bagage législatif islamique s'enrichit donc de toutes ces données pour opérer une révolution idéologique et un changement radical et total.

En bref, les éléments de l'apport du Prophète à la législation islamique, se manifestèrent sous trois formes: Le prêche verbal à l'adresse de la nation et de la société musulmane (ainsi qu'à l'adresse de l'humanité après sa disparition), ses actes et sa conduite, son silence approbatif devant certains actes d'autrui. Cet apport servit d'instrument à l'interprétation du Noble Coran et à l'explication de son contenu et des buts du Message divin. Il permit aussi à enseigner aux gens les fondements de la pensée et les vérités de la législation qu'avait reçus leSaint Prophète d'Allah, sous forme de Révélation.

Cette richesse législative qu'est la Sunnah du Messager d'Allah, a été compilée et étudiée dans des corpus de Hadith, et divisée en trois parties qui traduisent les trois formes sous lesquelles elle avait été exprimée par le Saint Prophète:

1- Les Paroles du Prophète             

Ce sont les explications verbales données par le Prophète dans ses prêches, ses causeries, ses directives, ses réponses aux questions des Compagnons, ses correspondances et ses lettres, ses traités politiques, ses éclaircissements ou ses interprétations des mots et du contenu du Coran. Il est évident que le Messager d'Allah s'adressa aux gens dans la langue des Arabes en cours parmi eux, lorsqu'il les appela à l'Islam ou lorsqu'il leur exposait les dispositions de la Charî`ah et les concepts doctrinaux. Il en résulte que son discours comporte des formes et des modes nombreux: le sens propre et le sens figuré, le synonyme, les homonymes, le général, le particulier, le restrictif, l'absolu, le conditionnel, l'impératif, le prohibitif, “l’autorisant” etc. Tout ceci nécessite donc une compréhension et une définition de la signification et une précision des cas où une parole du Prophète comporte ou non un statut légal.

2- Les Actes du Prophète                  

Les actes du Prophète constituent la forme pratique des lois, des valeurs et du mode de vie islamiques.

L'Islam est un système d'action et un message de construction de la vie. C'est pourquoi, le Saint Prophète était lui-même le constructeur de la vie et l'incarnation - par sa conduite et ses actes - des dispositions de la Charî`ah`ah et de ses buts dans les domaines politique, cultuel, de la méthode de la diffusion de l'Appel, du jihâd, des relations sociales...

Aussi, le Coran avait-il ordonné aux Musulmans l'obligation de suivre l'exemple du Saint Prophète et d'apprendre tout de lui; car ses actes, ses paroles et ses approbations ne font que traduire les Ordres d'Allah, étant donné qu'il était infaillible donc immunisé contre la faute et l'erreur dans tout ce qu'il fait ou dit. En effet, on peut lire dans le noble Coran:

«Prenez ce que le Prophète vous donne, et abstenez-vous de ce qu'il vous interdit». (Sourate al-Hachr, 59 : 7) Et «Vous avez dans le Prophète d'Allah, un bel exemple». (Sourate al-Ahzâb, 33 : 21) Ainsi, l'acte du Messager d'Allah était devenu une partie de la législation et une expression concrète des lois et des valeurs islamiques.

L'Interprétation de l'acte du Prophète   

Les uléma ont étudié exhaustivement et minutieusement les actes du Prophète afin d'en déduire les statuts juridiques et les lois. Une telle étude a permis de classifier les actes du Prophète comme suit:

1- Une catégorie de ses actes qui constituent son domaine réservé et exclusif (son mariage avec plus de quatre femmes) et qui ne peuvent pas être pris comme exemples à suivre par les autres.

2- Une catégorie de ses actes qu'il a accomplis en tant que membre de la société, tel que son usage de la langue courante pour expliquer son Message. Ces actes sont considérés comme des modèles de la conduite du Prophète, et les gens doivent s'y conformer.

3- Une catégorie de ses actes qu'il a faits, en tant que Musulman soumis aux obligations religieuses, comme tous les autres Musulmans. Ces actes équivalent à des statuts généraux s'appliquant à tout musulman soumis aux obligations islamiques.

4- Une catégorie de ses actes qu'il a accomplis en tant que Prophète dont la charge est d'expliquer l'Islam aux gens et de le leur enseigner.

5- Une catégorie de ses actes qu'il a accomplis en tant que gouvernant et tuteur des Musulmans. Ces actes sont considérés comme des modèles à suivre et à appliquer pour tout gouvernant légal qui a la charge des affaires des Musulmans, tout au long de la vie de l'humanité. Ils sont le domaine exclusif du gouvernant légal et comprennent les signatures des traités et des accords au nom de la Communauté musulmane, la déclaration de guerre ou de trêve etc.

Une étude méthodique des actes du Messager nous conduit à conclure qu'en sa qualité du Prophète infaillible et communicateur de la Volonté d'Allah, il est impossible qu'il ait pu commettre un acte illégal. Tous ses actes oscillent entre ce qui est obligatoire et ce qui est légal, et tout acte qu'il n'a pas fait (mais sans l'interdire) signifie seulement qu'il n'est pas obligatoire. C'est pourquoi il était nécessaire de procéder à une étude analytique des actes du Prophète, et de chercher les indices et les contextes susceptibles d'interpréter chaque acte du Prophète et de déterminer s'il est à caractère obligatoire, recommandé, autorisé, ou même détestable, car un acte détestable fait partie des actes autorisés.

D'autre part, une telle étude est nécessaire pour déterminer lesquels des actes dont s'est abstenu le Prophète sont à caractère interdit et lesquels à caractère autorisé (étant exclu que le Messager d’Allah ait pu s’abstenir d’un acte obligatoire). Ce tri et cette identification nous ouvre une grande porte sur la recherche juridique et législative, et sur la déduction des statuts légaux (ahkâm char`iyyah) et la connaissance de ce qui est obligatoire, et de ce qui est légal ou illégal.

Il faut noter que l'acte du Prophète est parfois associé à une parole qu'il prononce et parfois à une attitude qu'il observe, parole et attitude qui avaient un but explicatif et didactique et qui nous permettent par conséquent de connaître la nature obligatoire, recommandée ou autorisée dudit acte.

De même, lorsqu'il s'abstient d'un acte, la parole prononcée ou l'attitude observée dans ce contexte, nous permettent de déterminer si son abstention dudit acte indique le caractère interdit ou autorisé de celui-ci.

3- L'Approbation tacite (Taqrîr) du Prophète

Dans la langue, "taqrîr" signifie qu'une chose s'est stabilisée et s'est fixée, et lorsqu'il s'agit d'un avis ou d'un jugement, le "taqrîr" signifie que cet avis ou jugement est signé par celui qui doit le signer. De là nous comprenons que les approbations du Saint Prophète signifie sa signature et son acceptation des actes et paroles qu'il a vu ou entendu faire ou prononcer par un individu, un groupe ou une société, sans qu'il les interdise ou les désapprouve.

 Le fait de leur non-interdiction par lui est la preuve de son consentement et de son approbation. Par conséquent ces actes et paroles sont devenus une partie de la Sunnah et de la législation. Car s'ils étaient opposés à sa législation, il les aurait interdits et désapprouvés.

Par exemple, le Saint Prophète avait remarqué que les gens croyaient à une information rapportée par un seul individu, lorsque celui-ci était digne de confiance. Il a observé le silence sur ce fait et n'a pas interdit aux gens d'accepter une information rapportée par un seul individu digne de confiance. Nous déduisons de ce silence la validité de l'acceptation d'une information à source unique et nous considérons une telle pratique comme argument légal nous autorisnat à accepter comme vrais des hadiths rapportés du Prophète ou de l’imam d’Ahl-ul-Bayt, par une source unique - si elle est digne de confiance - sans exiger qu'ils soient comfirmés deux ou quatre sources pour être considérés comme crédibles. Ceci est valable pour le témoignage et les tribunaux. En conséquence, tout ce qui a été fait par un individu ou pratiqué par la société et dont le Prophète avait eu connaissance sans l'interdire, est un acte légal, car le silence du Prophète à cet égard et le fait qu'il ne l'ait pas interdit, signifient qu'il a signé son approbation, et par voie de conséquence, indique la validité et la légalité dudit acte, lequel acte peut servir d'argument (de base) pour la déduction de statuts (jugements) légaux.

Le mot (signifiant) et les cas de signification

Lorsque nous étudions les discours du Prophète, nous remarquons que les statuts, les concepts les idées qu'ils contiennent se manifestent sous trois formes, par rapport aux modes d'expression et la nature des mots. Ce sont:
 

a-Le textuel (naçç)

C'est le mot (le groupe de mots) dont le sens ne souffre aucune équivoque (étant donné qu’il n'admet la possibilité d'aucun deuxième sens), soit parce que le système et les lois linguistiques ne laissent pas de doute sur sa signification, soit parce qu'il y a des indices qui en déterminent la signification avec une clarté totale. L'exemple en est, la parole suivante du Saint Prophète:

«Un Musulman est le frère d'un autre Musulman: il n'est pas injuste envers lui, il ne l'abandonne pas, il ne médit pas de lui, il ne le trahit pas, il ne le trompe pas et il ne le prive pas».

b- Le polysémique (mojmal) C'est le mot qui peut désigner légalement plus d'un sens, selon le système et les lois linguistiques. En effet, il y a dans la Sunnah des paroles et des mots du Saint Prophète qui comportent plus d'un sens et qui peuvent désigner aussi bien un sens qu'un autre. Et étant donné que nous croyons préalablement que l'un des sens de ce mot ou de cette expression polysémique est visé dans ce contexte, mais sans pouvoir le déterminer, nous sommes obligés de recourir à des indices supplémentaires, extérieurs au signifiant (le mot lui-même) pour parvenir au sens légal voulu.   c- Le sens bovi (apparent) Le mot ou le groupe de mots prononcé par le Saint prophète peut avoir parfois un double sens, mais dont l'un à l'exclusion de l'autre vient tout de suite à l'esprit lorsqu'on l'entend ou qu’on le lit, selon le contexte linguistique dans lequel il apparaît. Donc dans de tels cas, la norme de la loi islamique veut que l'on retienne ce sens qui saute à l'esprit, comme étant le sens légal. La raison en est que le Saint Prophète parlait aux gens dans le langage courante, et que le Noble Coran dit: «Nous n'avons pas envoyé un Prophète sans qu'il s'exprimât dans la langue de son peuple pour l'éclairer». (Sourate Ibrâhîm, 14 : 4) En se fondant sur ces données, les jurisconsultes ont mis en au point une méthode scientifique - pour comprendre les paroles du Prophète - qu'ils ont appelée "hujjiyat al-dhohûr" (l'"argumentalité" ou la valeur d'argument du sens apparent) qui signifie: ce qu'on comprend de l'apparence du vocabulaire du Prophète, selon les règles de la compréhension de l'arabe, est un argument qui acquitte la conscience. Car c'est cette compréhension de l'arabe qui nous conduit à la compréhension des jugements (statuts) légaux et les concepts islamiques qui sont apparus sous une forme multiple dans les mots. Mais, vu notre éloignement de l'époque du Prophète et la comlexité de la grammaire et de la syntaxe de la langue, la compréhension de ces jugements légaux et concepts islamiques et leur déduction à partir du vocabulaire du législateur nécessitent une étude et une analyse linguistiques approfondies.

La Sunnah: Une Source de la Pensée et de la Législation

La législation islamique consiste en l'ensemble des lois et des statuts promulgués par Allah en vue de régir ou d'organiser toutes les relations de l'humanité, à savoir les relations de l'homme avec Allah, avec lui-même ou avec les autres.

La pensée islamique est l'ensemble des connaissances et des sciences tirées du Message, telles que la pensée économique et politique, la philosophie, les Fondements de la Jurisprudence (Uçûl al-Fiqh), l'Éthique, l'exégèse etc. Le Saint Coran et la Sunnah du Prophète sont la source de la pensée, de la connaissance et de la législation islamique, comme l'affirme clairement le Livre d'Allah en différents endroits:

- «Il (le Prophète) ne parle pas sous l'empire de la passion. C'est seulement une Révélation qui lui a été faite.» (Sourate al-Najm, 53 : 3 - 4)

- «Prenez ce que le Prophète vous donne, et abstenez-vous de ce qu'il vous interdit...» (Sourate al-Hachr, 59 : 7) - «(le Prophète dit): Il ne m'appartient pas de le (le Coran) changer de mon propre chef: Je ne fais que me conformer à ce qui m'a été révélé.» (Sourate Yûnis, 10 : 15) - «O vous qui croyez! Obéissez à Allah! Obéissez au Prophète et à ceux d'entre vous qui détiennent l'autorité. Portez vos différends devant Allah et devant le Prophète; si vous croyez en Allah et au Jour du Jugement, c'est mieux ainsi; et c'est le meilleur arrangement.» (Sourate al-Nisâ', 4 : 59) - «Vous avez, dans le Prophète d'Allah, un bel exemple...» (Sourate al-Ahzâb, 33 : 21) - «Dis: "Obéissez à Allah! Obéissez au Prophète!". S'ils se détournent, le Prophète n'est alors responsable que de ce dont il est chargé et vous n'êtes responsables que de ce dont vous êtes chargés. Si vous lui obéissez, vous serez bien dirigés, il incombe seulement au Prophète de transmettre en toute clarté ses messages.» (Sourate al-Nour, 24 : 54) - «Chaque Prophète envoyé par Nous ne s'exprimait, pour l'éclairer, que dans la langue du peuple...» (Sourate Ibrâhîm, 14 : 4)   Ainsi, le Coran définit la Sunnah du Prophète et toutes ses paroles comme étant une partie intégrante du Message divin éternel. En se fondant sur ces données coraniques les sommités de la science et du savoir ont considéré la Sunnah comme la seconde source de la législation, de la pensée et de la culture islamiques. L'Imam al-Çâdiq, un descendant du Saint Prophète expliquant la place de la Sunnah dans la législation dit: «Il n'y a pas une chose dans laquelle il n'y a pas (des traces) du Livre ou de la Sunnah» De même, on attribue à l'Imam al-Çâdiq les propos suivants: «Toute chose doit être référée au Livre et à la Sunnah, et tout Hadith qui ne s'accorde pas avec le Livre d'Allah est un faux ornement». Quant à l'Imam Mûsâ al-Kâdhim, fils de l'Imam al-Çâdiq, il donne encore plus de précision sur la limitation des sources de la Charî`ah, au Coran et à la Sunnah. En effet lorsque Somâ`ah, l'un de ses Compagnons lui demanda: «Est-ce que tout est dans le Livre d'Allah et dans la Sunnah? ou bien vous avez votre propre opinion sur certaines choses?». L'Imam al-Kâdhim répondit: «Tout est dans le Livre d'Allah et dans la Sunnah de Son Prophète». Et selon l'Imam Mohammad al-Bâqer, le père de l'Imam al-Çâdiq: «Quiconque dépasse la Sunnah, doit être ramené à l’intérieur du cadre de celle-ci». Lorsque nous étudions la Jurisprudence musulmane et les statuts détaillés tirés de la Loi islamique, nous remarquons que la Sunnah en est la source détaillée, étant donné que le Coran ne traite des détails des statuts cultuels et sociaux que d'une façon limitée, laissant au Messager d'Allah le soin de les expliquer et de les développer, ce qui était tout à fait de sa compétence, vu sa parfaite connaissance du contenu du Coran, et la science divine qu'Allah lui a infusée.

Par exemple, le Coran avait décrété la Zakât en tant que système fiscal dans les termes suivants:

«Prélève une aumône sur leurs biens pour les purifier et les rendre sans taches». (Sourate al-Tawbah, 9 : 103) Le Saint Prophète a appliqué ce fondement constitutionnel et en a détaillé les lois en précisant quels sont les biens imposables de la Zakât, quelle est le montant de la Zakât à y prélever, quelle est l'échéance du paiement de cette Zakât, et dans quelle condition le prélèvement de la Zakât est obligatoire etc. Allah a ordonné aux gens d'accomplir le pèlerinage de la Mecque, alors que le Prophète s'est chargé de leur expliquer quel est le mode de son accomplissement, en leur énonçant: «Apprenez de moi les cérémonies (du pèlerinage) que vous avez à accomplir». De la même façon, le Saint Prophète a expliqué les statuts de la Prière, du commerce, du mariage, de la filiation, de l'allaitement, des pactes politiques, de la guerre, de la terre, de l'association, du louage, de la dette, de la justice etc. Et quiconque étudie la relation entre le Livre d'Allah et la Sunnah, constate qu'elle est similaire à celle qui existe entre la constitution et les lois, les décrets et les instructions dans la législation positive. Ainsi, la constitution établie par l'assembée nationale par exemple est la loi fondamentale de l'Etat et de la société, alors que les dispositions des lois ordinaires, les décrets et les chartes des droits sont des détails législatifs tirés des lois constitutionnelles. Donc le législateur juridique se charge de déterminer les statuts et les détails conformément aux lois générales décrétées par le Coran. Le Saint Prophète est instruit par Allah et il ne communique une législation ni ne décrète une loi que conformément à l'instruction qu'Allah lui a donnée dans les domaines des actes cultuels, de la loi sociale et des intérêts généraux, en sa qualité de gouvernant et de tuteur des Musulmans. Tout ce qui provient du Saint Prophète à titre de Sunnah qu'Allah lui a enseignée exprime donc une instruction qu'il a reçue d'Allah. De là, la source de la Sunnah peut être: - soit ce que le Prophète tire du Livre d'Allah, étant donné que la Révélation est adressée à lui et il en connaît par conséquent le contenu, ou bien ce qui lui vient par inspiration ou encore ce qui est infusé dans son âme sainte.

- soit par une instruction directe venant d'Allah par l'intermédiaire de l'Archange Jibrâ'îl.

Les Uléma ont admis qu'une partie des statuts et des législations secondaires promulgués par le Prophète pour la Communauté musulmane soit déduite de ce qu'Allah lui a révélé, et d'aucuns ont donné à cette déduction l'expression d’"ijtihâd du Messager". Et si l'on admettait la pertinence de cette expression, il faudrait préciser tout de suite que ledit ijtihâd du Messager n'est pas le même ijtihâd que celui des jurisconsultes (faqîh), lequel peut s'avérer correct ou erroné, alors que le premier, l'ijtihâd du Messager, est un ijtihâd exclusivement correct et ne fait que traduire le jugement effectif d'Allah, car les statuts et législations déduits par le Prophète sont emprunts à l'esprit de la Loi d'Allah et à la matière de la Législation, Loi et Législation dont il a une connaissance parfaite et totale.

Répondant à la question de savoir s'il était possible que le Prophète ait pu déduire les statuts légaux par les méthodes théoriques, légales (ijtihâd) - à l'exclusion de l'analogie - al-Muhaqqiq al-Hillî dit: «Nous n'excluons pas une telle possibilité, bien que nous n'ayons pas connaissance que le Saint Prophète y a eu recours effectivement. Et si nous admettions cette possibilité, la réponse à la question de savoir s'il peut se tromper dans son ijtihâd, est négative pour plusieurs raisons:

1- Le Prophète est infaillible et immunisé contre l’erreur et la faute volontaire ou involontaire.

2- Nous avons reçu l'Ordre d'Allah de suivre la Sunnah du Prophète. Donc, si ce dernier se trompait dans les statuts qu'il décrète, nous aurions l'obligation de suivre l’erreur, ce qui est inadmissible.

3- S'il pouvait commettre une faute, on ne pourrait plus avoir confiance en ce qu'il nous ordonne ou interdit de faire, ce qui conduirait à répugner à l'acceptation de ses instructions».
 

Lorsque nous examinons les vocabulaires de la Sunnah, nous trouvons des exemples des emprunts du Prophète au Livre d'Allah. La meilleure illustration en est le célèbre hadith de "raf`" (dégagement de la responsabilité) dont les termes sont devenus des règles législatives majeures. En effet, on attribue au Messager d'Allah les propos suivants:

«Il (Allah) a dégagé la responsabilité des membres de ma Communauté dans neuf cas: l'erreur, l'oubli, l'ignorance (d'une chose), l'insupportabilité, la contrainte, la force majeure, la "tîrah" (pressentiment, suprerstition), la tentation de penser à la Création...».

Et lorsque nous regardons de près ces règles législatives, nous en trouvons les origines dans le Livre d'Allah implicitement ou explicitement. En voici quelques exemples:

- «Il n'y a pas de faute à vous reprocher au sujet des actions que vous commettez par erreur, mais seulement pour celles que vous préméditez dans vos coeurs. Allah est Celui Qui pardonne. IL est Miséricordieux». (Sourate al-Ahzâb, 33 : 5)

- «Nous n'avons jamais puni un peuple, avant de lui avoir envoyé un prophète». (Sourate al-Isrâ', 17 : 15) - «Il ne convient pas à Allah d'égarer un peuple après l'avoir dirigé, jusqu'à ce qu'il lui montre ce qu'il doit craindre. Allah connaît parfaitement toute chose». (Sourate al-Tawbah, 9 : 115)   - «Allah n'impose quelque chose à une âme qu'en proportion de ce qu'IL lui a accordé». (Sourate al-Talâq, 65 : 7) - «Allah n'impose à chaque homme que ce qu'il peut porter». (Sourate al-Baqarah, 2 : 63) - «Nul pêché ne sera imputé à celui qui serait contraint d'en manger sans pour cela être rebelle, ni transgresser». (Sourate al-Baqarah, 2 : 173) - «Non pas celui qui subit une contrainte et dont le coeur reste paisible dans la foi». (Sourate al-Nihal, 16 : 106) L'Imam al-Çâdiq, soulignant le fait que le Saint Prophète était soigneusement assisté dans ses pas par l'Eprit Saint (l'archange Jibrâ'îl) dit: «Le Messager d'Allah était dirigé et assisté par l'Esprit Saint. Il ne trébuchait ni ne commettait une faute dans ce qui est de nature à présenter une tentation pour les hommes».