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La Bid`ah (l'invention, l’hérésie)

Nous avons déjà appris le sens du terme Sunnah. Pour en approfondir notre connaissance, il est opportun d’avoir quelques notions de son opposé, le mot "bid`ah" (invention, hérésie).

Bid`ah signifie, linguistiquement, “inventer”. Et en tant que terme technique islamique, ce mot désigne ce qu'on invente dans la religion et ce qui n'a pas de racine dans le Coran et la Sunnah. On dit bid`ah (invention) parce que celui qui la professe l'a inventée (ibtada`a) lui-même.

Donc, bid`ah est tout ce qui est intrus dans la religion et qui n'en fait pas partie à l'origine. Or, le Saint Prophète avait mis les Musulmans en garde contre les hérésies dans les termes suivants:

« La meilleure des paroles est le Livre d'Allah, la meilleure “guidance”, c'est celle de Mohammad, et les pires des choses ce sont les choses inventées, et toute chose inventée (dans la religion) est un égarement».

Pour nous résumer, la bid`ah est à l'opposé de la Sunnah. Et les bida` (pluriel de bid`ah), les hérésies ou les choses inventées, consistent en tout ce qui a été rajouté à la Religion et qui n'avait pas d'origine dans le Livre d'Allah ni dans la Sunnah de Son Messager, mais que certains persistent pourtant à le considérer comme faisant partie de la Charî`ah (la Loi islamique).

Les hérésies visent à faire dévier l'Islam et à introduire dans la structure de cette religion des idées, des croyances et des pratiques qui lui sont étrangères.

Les autres religions ayant souffert de l'intrusion des hérésies dans leurs Messages et de la déviation qui s'en était suivie, le Coran a averti les gens du danger de ces hérésies idéologiques et comportementales :

«... et la vie monastique qu'ils ont instaurée - nous ne la leur avions pas prescrite - uniquement poussés par la recherche de la satisfaction de Dieu. Mais ils ne l'ont pas observée comme ils auraient dû le faire». (Sourate al-Hadîd, 57 : 27)

Pour préserver la pensée, la Loi et la conduite islamiques de toutes hérésies et de toute déviation, l'Islam a imposé aux Musulmans en général et à leurs uléma en particulier l'obligation de combattre les éléments hérétiques qu'on injecte dans la Religion sous forme de pensées, philosophies et théories, ou qui s'y introduisent par des pratiques et des conduites qui n’ont rien d’islamique. Cette obligation a été affirmée et confirmée dans des paroles attribuées au Saint Prophète et aux Imams d'Ahl-ul-Bayt. Ainsi, selon la chaîne de transmission des Ahl-ul-Bayt, le Prophète a dit: «Lorsque les hérésies apparaîtront au sein de ma Communauté, que le `Âlem (le savant musulman) mette en évidence son savoir, et s'il ne le fait pas, qu'Allah le maudisse».

Et dans un de ses discours, l'Imam `Ali a lancé cet avertissement dans le même sens: «O gens! Le Commencement des dissensions, c'est la soumission à des caprices et l'invention de lois, dans lesquelles on s'oppose au Livre d'Allah, et des hommes deviennent les maîtres d'autres hommes. Si le faux était purement faux, les demandeurs de la vérité le découvriraient facilement. Et si la vérité restait une pure vérité, elle ne conduirait pas à des divergences. Mais le malheur est que l'on prend une partie du faux et une partie de la vérité que l'on mélange pour les présenter comme un ensemble...»

Et selon l'Imam al-Çâdiq: «Toute hérésie est un égarement et tout égarement conduit en Enfer".

Zarârah l'un des Compagnons de l'Imam al-Çâdiq témoigne: «J'ai demandé à Abû `Abdullâh al-Çâdiq de me définir le licite et l'illicite. Il m'a répondu: «Ce qui a été rendu licite par Mohammad restera licite jusqu'au Jour de la Résurrection, et ce qui a été décrété illicite par lui demeurera illicite jusqu'au Jour de la Résurrection. Rien ne peut s'y rajouter».

Et selon l'Imam `Ali: «Personne n'aura inventé une hérésie sans abandonner en échange une Tradition (Sunnah)».

Ceci dit, une mise au point et une précision s’imposent afin d’éviter tout équivoque et tout abus danl’emploi du mot bid`ah. Pour être considérée comme hérétique, une pensée ou une pratique doit comporter deux éléments associés: 1- lorsqu’elle serait, évidemment, étrangère à la Foi; 2- et que son tenant la considère comme faisant partie de la Foi. Donc, si un Musulman invente quelque chose, cette invention n'est considérée comme une hérésie opposée à la Sunnah (ni comme un acte interdit ou illicite) que s'il l'introduit dans la religion en la considérant comme une partie d'elle, et que si cette invention était opposée au Coran et à la Sunnah. De là, le fait de célébrer l'anniversaire de la naissance du Prophète, par exemple, n'est pas une bid`ah interdite, bien que cette commémoration soit une nouveauté et qu'elle ne fût pratiquée ni par le Prophète ni par les Compagnons qui vécurent à son époque.

Il en va de même pour l'ornement du Coran ou des mosquées, lequel ne constitue pas une hérésie illégale. Donc, le critère de la notion de bid`ah est le fait d'introduire dans la religion ce qui n'en fait pas partie, et de le considérer comme une partie d'elle.
 Le Rapport entre la Sunnah et le Coran

Il y a des liens législatifs et d’interprétation entre la Tradition du Prophète et le Coran. Ils peuvent être résumés comme suit:  

I.- La Sunnah du Prophète particularise le général dans le Coran

Certains versets coraniques ont un caractère général; par conséquent les lois qu'ils renferment sont de portée générale et sans restriction apparente. C’est la Sunnah qui (pour des raisons dont le Prophète a pris connaissance soit à travers la Révélation, soit par inspiration qu’Allah lui donne) s'est appliquée à particulariser beaucoup de cas de généralité et à excepter une partie des individus compris dans ces généralités de la portée des lois.  

II.- La Sunnah restreint le caractère de ce qui est absolu dans le Coran

Il convient tout d'abord de définir ce qui est absolu et ce qui est restreint avant d'aborder la compétence de la Sunnah à restreindre les dispositions et les concepts révélés sous une forme absolue dans le Livre d'Allah.   Une parole absolue est une parole qui ne comporte aucune restriction ni réserve ni condition, liée au temps, à l'espace, à la quantité ou à la qualité... L'exemple en est cet énoncé: «Donnez de l'aumône au pauvre». Le mot pauvre dans cet énoncé est sans restriction ni condition. Par conséquent, l'ordre “donnez l'aumône” s'applique ici à tout pauvre. Quant à une parole restreinte, c'est une parole assortie de conditions et limitée par des restrictions et des réserves qui réduisent le champ de l'absolu. L'exemple en est cet énoncé: «Donnez de l'aumône au pauvre pieux». Ici le mot "pieux" apporte une restriction au mot "pauvre". En vertu de cette restriction, l'ordre de donner l'aumône ne bénéficie qu'au pauvre pieux. Il ne profite pas à tout pauvre, comme dans l'énoncé précédent. Revenons à présent à notre sujet pour expliquer que les dispositions de loi et les concepts apportés par les versets coraniques sont parfois de caractère absolu et parfois de caractère restreint. Et il est établi législativement chez les uléma que la Sunnah du Prophète a compétence pour restreindre ce qui est absolu dans le Coran. Prenons-en un exemple: Dans le verset coranique suivant: «O vous les croyants! Obéissez à Allah! Obéissez au prophète et à ceux d'entre vous qui détiennent l'autorité» (Sourate al-Nisâ', 4 : 59), l'expression "ceux d'entre vous qui détiennent l'autorité" a un caractère absolu et non restreint, car le verset, considéré indépendamment de son contexte, rend obligatoire l'obéissance à tout gouvernant, abstraction faite de sa qualité d'intégrité ou de déviation, mais le Prophète qui est chargé d'expliquer le Coran a restreint l'obligation d'obéir au gouvernant, à la condition que celui-ci ne désobéisse pas à Allah, en déclarant: «Pas d'obéissance à une créature, lorsqu'elle désobéit au Créateur».

Cette restriction apportée par le Prophète n'est qu'une explication fondée sur la signification de nombreux autres versets coraniques qui appellent à la justice et à l'intégrité et interdisent l'injustice, la corruption et le péché, et dont la portée constitue une restriction au verset précité.

III. La Sunnah explique ce qui est global (mojmal) dans le Coran

Beaucoup de versets coraniques relatifs à la législation et à la doctrine ont été révélés sous une forme globale (mojmal) et non expliqués, et c'est le Prophète qui s'est chargé de leur explication et de l'éclaircissement de leur signification, et ce de différentes façons: 

a- L'explication par la parole:

Le Prophète s'est appliqué à travers ses paroles à expliquer beaucoup de versets équivoques ou polyvalents en éclaircissant leur signification, et les Musulmans les ont compris grâce à cette explication verbale.
 

b- L'explication par écrit:

Le Saint Prophète a adressé des dizaines de lettres à ses gouverneurs et aux rois et chefs d'État des quatre coins du monde à l'époque. De plus, il a fait enregistrer beaucoup de pactes et d'engagements. Or, certains paragraphes de ces lettres et pactes écrits apportent des éclaircissements à certaines notions globales dans le texte coranique.

c- L'explication par l'acte: Le Saint Prophète a apporté des éclaircissements et des détails, à certains énoncés coraniques globaux, par sa pratique et par sa façon d'appliquer le contenu de ces énoncés, comme il l'a fait dans sa prière, son ablution, son pèlerinage. En effet, ces obligations ont été décrétées dans le Coran d'une façon globale, et sans que la forme de leur application fût détaillée. Les Musulmans ont compris et appris leur procédure d'application en voyant le Prophète faire la prière, l'ablution et le pèlerinage. Les uléma ont souligné que l'acte ou l'action du Prophète ne peut constituer une explication (d'un énoncé coranique) que dans deux cas: 1- Lorsqu'on s'assure que son acte vise expressément à éclaircir une notion coranique globale, par exemple, lorsqu'il dit: «Priez comme vous m'avez vu prier». 2- Lorsqu'on apprend par le bon sens que son acte vise à éclaircir une notion globale, par exemple lorsqu'il illustre l'explication d'un texte coranique par un acte ou une conduite. 

d- L'explication par le geste:

En effet, il arrivait que le Prophète expliquait un concept global par le geste, comme il l'a fait en montrant deux fois les dix doigts des deux mains et une troisième fois neuf doigts seulement pour expliquer que le mois lunaire peut être de 29 jours et non seulement de 30 jours, comme les gens le concevaient à l’époque.

e- L'explication par l'abandon (tark): Un autre mode d'explication des statuts du Coran par le Prophète consiste à renoncer à un acte après l'avoir fait expressément. En accomplissant ledit acte dont l'énoncé est dans le Coran, on apprend que l'énoncé s'applique à lui et à sa communauté et lorsqu'il y renonce, on apprend qu'il sort du cadre du général.  

IV. La Sunnah abroge-t-elle une disposition coranique?

                                                                   Le terme "abrogation" (naskh) est connu chez les Musulmans. Il y a abrogation lorsqu’une loi en annule une autre, conformément aux intérêts de l'humanité et compte tenu de la progression de la communication du Message divin. Il y a eu abrogation dans le Coran, lorsqu'un verset coranique en a abrogé un autre. Mais ce type de changement se limite à un nombre réduit de statuts. Les uléma ont estimé qu'il est possible que la Sunnah puisse abroger une disposition énoncée dans un verset coranique, tout comme il est possible qu'un verset coranique en abroge un autre. Mais ils se hâtent de précque cette possibilité est une recherche purement théorique et n'a pas d'application dans la réalité, car il n'y a aucun verset coranique qui eût été abrogé par une Tradition Prophétique. Et ils ajoutent que si une telle abrogation s'était produite effectivement, nous ne pourrions pourtant la considérer comme vraie que si elle a été confirmée par diverses sources concordantes. Car un hadith rapporté par une source unique est considéré comme conjectural, et il est incorrect de se fonder sur cette source conjecturale pour admettre l'abrogation d'un statut coranique dont la provenance d'une source divine est certaine, étant énoncé par un verset coranique. Or, la règle professe que ce qui est conjectural ne saurait abroger ce qui est certain. Il convient de noter maintenant que la compétence de la Sunnah pour particulariser une loi coranique générale, ou limiter la généralité de cette loi ou pour l'expliquer et la détailler est fondée sur trois bases: 1- Le fait que le Messager d'Allah comprend ce qu'Allah vise dans tel ou tel autre statut coranique. Il connaît donc la loi absolue à laquelle une restriction a été apportée ou un statut général dont la portée a été limitée dans d'autres endroits du Coran. Aussi intervenait-il expliquer au commun des mortels cette limitation et cette restriction. 2- Parfois l'explication (la limitation ou la restriction) d'un statut coranique par la Sunnah est fondée sur le fait qu'Allah a inspiré à son Prophète un cette explication législative ou doctrinale.

3- Parfois la limitation ou la restriction que la Sunnah apporte à un statut coranique repose sur le fait que le Prophète était doté de compétences propres à sa qualité d'autorité légale que l'intérêt général ou la nécessité conduit à restreindre et à particulariser ce qui semblait avoir un caractère absolu.

Ainsi, les limitations et les restrictions apportées par la Sunnah à des statuts coraniques absolus ou généraux, ou les explications détaillées qu'elle donne à une loi globale, reposent sur des fondements et des justifications législatives qui résident dans le fait que le Prophète était d'une part le rapporteur ou l'explicateur de la Législation islamique, et d'autre part, le gouvernant de la Ummah (la Nation Musulmane).

 La Science du Hadith  

`Ilm al-Hadith est la science qui étudie le texte (le contenu) du Hadith, et la chaîne de ses “transmetteurs” (ou rapporteurs) afin de déterminer si un hadith est acceptable, rejeté ou probable.

Étant donné que la Sunnah du Prophète est la seconde source de la Législation et du Savoir islamiques, et qu'elle s'adresse aux Musulmans de toutes époques et de toutes contrées pour qu'ils se conforment à ses statuts, à ses concepts et à ses directives, mais qu'en raison des intervalles temporels entre le Prophète et les générations nées après sa disparition, ou des obstacles qui empêchaient certains de ses contemporains d'avoir un contact direct avec lui, les Musulmans n'ont la possibilité d'avoir accès à la Sunnah et de connaître son contenu que par des moyens de communication indirects. En effet, les moyens de communication du savoir à l'époque du Prophète se limitaient à deux instruments:
 

1- La communication orale des paroles, actes ou approbations tacites du Prophète - par ceux qui avaient l'occasion directe d’entendre ses paroles, d’assister à ses actes et de le voir en approuver tacitement d’autres (actes).

2- L'écriture des paroles, des actes et des approbations tacites du Prophète, afin de permettre à ceux qui n'y assistaient pas directement, d'en avoir connaissance.
 

Malheureusement ce savoir instrumental accumulé chez les Musulmans et communiqué par les rapporteurs du hadith soit oralement soit par

écrit, n'était pas fidèlement transmis dans son intégralité. Il a fait l'objet, en effet, de subversion, de modification tendancieuse et d'altération malsaine. Déjà du vivant même du Prophète, des propos et des actes lui avaient été faussement attribués. Que dire de ce qui s'est passé après sa mort, où il était autrement plus difficile de contrer une information incorrecte ou tendancieuse le concernant. De plus, les motivations politiques et politiciennes, les idéologies et les écoles de pensées déviationnistes, les complots des ennemis de l'Islam ont joué un grand rôle dans l'altération de la Sunnah. Beaucoup de propos et d'actes du Prophète ont été effacés de la Sunnah et beaucoup de faux hadith s’y sont glissés.

À cette action subversive s'ajoutent les cas de perte et d'oubli involontaires dus à la faillibilité des hommes.

Pour toutes ces raisons et bien d'autres, les uléma de l'Islam ont été amenés à fonder une science spéciale, en l'occurrence, la Science de Hadith qui a pour objet d'étudier les personnalités des rapporteurs de Hadith et le texte du Hadith, et de connaître les degré de véracité des hadith attribués au Prophète.

En d’autres termes, les uléma spécialisés, souciex de parvenir au texte provenant réellement du Prophète et des Imams d’Ahl-ul-Bayt, pour pouvoir l'adopter comme une source de la Législation et un fondement de la structure idéologique et culturelle de la Ummah, ont élaboré une méthode de recherche pluridisciplinaire qu’ils ont appelée “la Science ou les Sciences du Hadith” dont les principales branches sont:

1- La Science des rapporteurs de Hadith (`Ilm al-Rejâl)

2- La Science des Fondements du Texte (`Ilm al-Derâyah)
 

La première, la Science des Rapporteurs de Hadith, se propose d'étudier les caractéristiques de ceux qui rapportent et transmettent le hadith, c'est-à-dire les caractéristiques qui permettent d'opter pour l'acceptation ou le rejet du hadith qu'ils rapportent, en tenant compte de leur moralité ou caractère- sincère, digne de foi ou menteur (al-Jarh wa-l-Ta`dîl)- et de leur capacité de bien saisir le texte du hadith et de le transmettre correctement, de leur célébrité (connus ou inconnus), de leurs rites, doctrines et de tendances, de leurs générations (l'époque dans laquelle a vécu chacun d'eux), afin de déterminer si le hadith rapporté était réellement cité par tel ou tel rapporteur. Bref, cette science vise à apporter des renseignements complets sur la personnalité du rapporteur de Hadith afin de déterminer avec justesse s’il faut rejeter le hadith qu'il rapporte ou l'accepter comme une source de la Loi.

Ainsi, la Science des Rapporteurs de Hadith, est la science des chaînes de transmission ou la science de recherche des hommes qui constituent la chaîne de transmission. Fait corps avec la Science de rapporteurs de hadith, la science des biographies, laquelle étudie les personnalités des uléma, des rapporteurs de hadith et d'autres, et fournit ainsi des renseignements supplémentaires à la Science des Rapporteurs de hadith, en projetant la lumière

sur les personnalités de ces derniers et sur les circonstances et les conditions politiques, historiques et idéologiques dans lesquelles ils ont vécu et évolué.

Quant à la Science des Fondements du Texte (matn), elle étudie les fondements du texte, les influences et les modifications qu'il a pu subir, ainsi que d'autres aspects susceptibles d'aider le chercheur à évaluer le texte et à déterminer dans quelle mesure il pourrait être digne de foi.

Le texte ou le "matn", c'est le texte attribué au Prophète ou à l'Imam, tel qu'il nous est parvenu. Et on a défini le texte du hadith comme étant le vocabulaire du hadith qui en indique le sens.

Ainsi, les deux Sciences (celle des Rejâl et celle de Derâyah) se complètent dans l'objectif. Elles visent à étudier la chaîne et le texte du hadith afin d'en déterminer l'authenticité ou la fausseté, le degré de la certitude le concernant, les influences ou les modifications que ses éléments (ses mots) auraient pu subir et qui pourraient entamer son intégrité, ce qui permet de classer chaque hadith parmi les textes à adopter ou à rejeter, ou encore d’opter pour un hadith plutôt que pour un autre - lorsqu'il y a opposition entre les deux - en fonction de l'existence d'éléments positifs dans la chaîne ou le texte dudit hadith, faisant pencher la de son côté aux dépens de l'autre.

Le Besoin d'une Science de Rapporteurs de Hadith

Nous avons déjà défini la Science des Rapporteurs de Hadith comme étant la science qui se charge d'étudier les conditions et les personnalités de ces derniers, c'est-à-dire de vérifier: dans quelle mesure ils sont dignes de foi ou capables de rapporter correctement le texte, quelles sont leurs appartenances doctrinales, dans quelles époques ils ont vécu etc... Un débat scientifique s'est engagé entre les uléma sur la pertinence de cette science. Une partie d'entre eux, les Akhbârites ont soutenu la thèse de l'inutilité d'un telle science en alléguant que les hadith enregistrés dans les corpus de référence, tels "Al-Kâfî" d'al-Kulaynî, "Al-Tahthîb", d'al-Tûcî, "Al-Istibçâr" et "Man Lâ Yahdhoroh-ol-Faqîh" d'al-Çadûq sont des hadith sains (çahîh: dignes de confiance), puisque les théologiens qui les avaient compilés s'étaient appliqués à les vérifier, et à les épurer avant de les mettre à la disposition des lecteurs, et que par conséquent il n'est nul besoin de les réétudier ni de les vérifier à nouveau. De même, ont-ils ajouté, les Récits (Riwâyât) que les faqîh renommés avaient adoptés ou rejetés ne nécessitent pas que l'on en réétudie ou en vérifie à nouveau, la chaîne de transmission. Il faut donc, ont-ils conclu, les adopter en se fiant au travail accompli par les faqîh renommés parmi nos prédécesseurs. Ils ont émis le même avis concernant les corpus de hadith "Al-Çihâh", tels que "Çahîh al-Bokhârî", "Çahîh Muslim" etc. Mais une autre partie des uléma ont rejeté cette thèse, en affirmant à l'appui de la méthodologie inductive et de la recherche scientifique que les corpus de hadith en question ne renferment pas que des hadith sains, et ne constituent donc pas une référence totalement crédible. Ils pensent qu’il faut étudier les personnalités des rapporteurs de hadith pour s'assurer de l'authenticité de chaque hadith, soumettre ces hadith à l'examen et à la recherche, et qu'on ne doit pas se contenter de la recherche faite par les auteurs des corpus en cours. Il est à noter que cette dernière thèse a été corroborée par la méthode inductive et par des preuves qui démontrent que beaucoup de rapporteurs fréquemment cités dans les corpus adoptés sont peu sûrs et ne méritent pas une confiance totale. De plus, selon cette thèse, les hadith relatifs aux statuts (ahkâm) et à la doctrine se trouvent dans des livres autres que les corpus dont on prétend que les hadith qu'ils contiennent sont authentiques. Le grand faqîh et Mujtahid, le défunt Âyatollâh Abul-Qâcim al-Kho'î, parlant de la première thèse, celle qui appelle à se contenter des corpus de hadith déjà compilés, explique: «Un groupe de traditionniste allèguent que les hadith qui figurent dans les quatre corpus sont absolument authentiques. Mais cette affirmation est absolument fausse. Car comment pourrait-on prétendre l'authenticité absolue d'un hadith transmis d'une source unique à une autre source unique? Surtout lorsqu'il est établi que parmi les rapporteurs de hadith figurant dans les quatre Corpus, il y en a certains qui sont reconnus comme étant des menteurs et des inventeurs». On peut opposer le même argument aux autres Corpus (Çihâh), tels que Çahîh Muslim et Çahîh al-Bokhârî etc.

Les Qualités d'un Rapporteur dont le Récit est acceptable

Les uléma de Hadith et des Fondements de la Jurisprudence ont exigé qu’un rapporteur doive remplir les conditions suivantes pour accepter ses récits: 

1- La majorité: Le rapporteur de hadith a dû être majeur lorsqu'il a transmis ou rapporté son récit. Le récit d'un mineur est donc rejeté.

2- La Sanité d'esprit: Celui dont on accepterait le récit doit être sain d'esprit. Le récit de l'aliéné et du malade mental n'est pas admis.

3- L'intégrité (`adâlah): Pour que le récit d'un rapporteur de hadith soit admissible, il faut que celui-ci soit intègre, c'est-à-dire non pervers, car Allah dit: «O vous les Croyants! Si un homme pervers vient vous apporter une nouvelle, faites attention! Car si, par inadvertance, vous portiez préjudice à un peuple, vous auriez ensuite à vous repentir de ce que vous auriez fait». (Sourate al-Hujurât, 49 : 6)   Mais certains uléma, tel al-Cheikh al-Tûcî, ainsi qu'Abû Hanîfah affirment que tout musulman est a priori intègre à moins qu'on n'établisse sa perversion. 4- Le rapporteur de Hadith ne doit avoir de traits de caractère contraires à la distinction et à la délicatesse (muruwwah). 5- Le rapporteur de Hadith doit avoir un esprit éveillé et une capacité de précision dans la mémorisation, qualités nécessaires pour préserver le récit contre toute faute, toute altération, et toute erreur dans la lecture et l'écriture etc. Il faut qu'il soit également capable de percevoir ce qui pourrait altérer le sens d'un mot ou d'une expression et de lire avec une correction parfaite. 6- Les uléma acceptent le récit d'un rapporteur de hadith digne de foi, abstraction faite de sa doctrine et de sa tendance idéologique.

La Détraction (al-jarh) et la Défense (ta`dîl) «Al-Jarh wa-l-Ta`dîl»                                                                         
  “Jarh”, c'est le fait de mettre en cause l'intégrité et la crédibilité du rapporteur, en l'accusant, par exemple de mensonge, d'invention, de tromperie etc. Quant à “ta`dîl”, c'est le fait d'établir l'intégrité et la crédibilité du rapporteur. La science de “la Détraction et la Défense” est l'une des principales branches de “`Ilm al-Rejâl” (la science des Rapporteurs de Hadith), car la première tâche du chercheur en Science de Rejâl est d'établir la véracité ou le manque de crédibilité du rapporteur de Hadith.