il est certain que l'islam na pas inventé la poly- gamie. tout ce qu'il a fait, c'est d'y mettre des restrictions. il lui a prescrit des limites maximales. il a posé des conditions pour la pratique de la polygamie, laquelle existait chez la plupart des peuples qui ont embrassé l'islam. ces peuples ont été seulement contraints de se conformer aux conditions qu'il a posées à sa pratique.
christenson écrit dans son livre : "l'iran à l'epoque sassanide" : «la polygamie était considérée comme la base de la famille. le nombre de femmes qu'un homme pouvait avoir dépendait pratiquement de ses moyens. les gens pauvres n'étaient pas à même davoir plus d'une femme en règle générale. le chef de la famille avait, en tant que tel, des droits spéciaux. l'une des épouses était considérée comme la favorite, et jouissait de pleins droits. dautres femmes étaient traitées en simples servantes. les droits légaux de ces deux catégories d'épouses étaient largement différents. les filles esclaves étaient inclues parmi les femmes servantes. on ne sait pas combien de favorites un seul homme pouvait avoir. mais daprès les comptes rendus des tribunaux, il y avait des hommes qui avaient plus d'une favorite. chacune de ces favorites portait le titre de "la maîtresse de la maison", et possédait une maison indépendante. le mari avait l'obligation, pendant toute sa vie, de pourvoir aux dépenses de sa favorite et de prendre soin d'elle. chaque fils [de la favorite] jusqu'à l'âge de la puberté, et chaque fille jusqu'à l'âge du mariage, jouissaient de ces mêmes droits. quant aux épouses de la catégorie des servantes, seuls leurs fils (et non leurs filles) avaient le droit de vivre à la charge de leur père.»
saîd nafîcî écrit, dans son "histoire sociale de l'iran depuis la chute des sassanides jusqu'à la chute des omayyades" : «le nombre de femmes avec lesquelles un homme pouvait se marier était illimité, et daprès les documents grecs, il y avait parfois plusieurs centaines de femmes dans la maison d'un homme».
citant un historien romain, montesquieu écrit : «beaucoup de philosophes romains, qui étaient persécutés par les chrétiens pour leur refus d'embrasser le christianisme, s'enfuirent de rome et se réfugièrent chez le roi iranien khosrow parwiz. là ils furent surpris de voir que non seulement la polygamie était légale dans ce pays, mais que les hommes iraniens avaient aussi des liaisons avec les femmes des autres.»
il est à préciser que lesdits philosophes romains s'étaient réfugiés en fait au palais du roi perse anûchirwân, et non khosrow parwiz, comme la écrit montesquieu, à cause d'une méprise sans doute.
pendant l'ère pré-islamique, les arabes pouvaient avoir un nombre illimité de femmes. c'est l'islam qui en a limité le nombre maximum. cela a créé évidemment des problèmes pour ceux qui avaient jusqu'à dix femmes et qui, en embrassant l'islam, étaient contraints de se séparer de six d'entre elles.
il ressort clairement de ce qui précède que la polygamie n'est nullement une invention de l'islam. l'islam na fait que la restreindre. en tout cas, il ne la pas abolie totalement. dans les chapitres suivants, nous discuterons des causes des facteurs qui ont concouru à la naissance de cette coutume, et nous expliquerons pourquoi l'islam ne la pas abolie. nous discuterons également des raisons qui ont conduit à la fois les hommes et les femmes à s'opposer à la polygamie.
quelles sont les causes historiques et sociales de la polygamie ? pourquoi de nombreuses nations dans le monde, notamment en orient, ont-elles accepté cette coutume, et pourquoi dautres nations, notamment celles de l'occident, n'ont-elles pas accepté sa légalisation ? comment se fait-il que parmi les trois formes de polygamie, seule la pluralité des femmes s'est propagée, alors que la polyandrie et le collectivisme sexuel étaient sinon totalement ignorés, du moins pratiqués rarement et dans des cas exceptionnels.
sans tenir compte de ces questions nous ne pourrions ni discuter de celle de la polygamie du point de vue islamique, ni l'étudier sur le plan des exigences humaines modernes.
si nous ne prenons pas en considération les larges et profondes études psychologiques et sociales faites à ce propos, nous serions amenés à dire et à répéter les mêmes refrains qu'on entend souvent : «la cause de la polygamie est très évidente ; elle est due à la tyrannie, à l'injustice de l'homme, et à son asservissement de la femme, et c'est à cause de la domination de l'homme sur la femme que celui-là s'est permis de promulguer des lois et d'instituer des coutumes qui servent ses intérêts ; c'est uniquement dans son intérêt et contre celui de la femme qu'il a promulgué la loi de la polygamie et qu'il la appliquée durant tous ces longs siècles. etant donné que la femme était opprimée, elle ne pouvait pas mettre en pratique la polyandrie. mais aujourd'hui, l'époque de la domination de l'homme étant révolue, le privilège de la polygamie -dont jouissait l'homme- a cédé la place, comme bien dautres privilèges injustes, à la loi de l'égalité et de la similarité entre les droits de l'homme et de la femme.»
c'est là une pensée absurde et insensée. car ni la domination de l'homme sur la femme n'est la cause de la polygamie, ni l'échec de la polyandrie n'est dû à la faiblesse de la femme. si la polygamie n'existe pratiquement plus de nos jours, ce n'est pas parce que l'époque de la domination de l'homme serait révolue. loin de là ! l'homme na pas perdu ses privilèges ; bien au contraire, il a acquis encore un autre avantage par rapport à la femme.
nous ne nions pas que le facteur de la domination ait joué un rôle dans l'histoire humaine, ni que l'homme ait abusé de son pouvoir sur la femme tout au long de l'histoire. mais nous croyons que c'est de la myopie que de vouloir réduire l'explication des rapports homme/femme au facteur de la force et de la domination.
si nous admettions une telle théorie, nous devrions admettre aussi qu'à l'époque où la polyandrie était répandue parmi les arabes du pré-islam, ou parmi les naïrs des côtes de malabar comme la rapporté montesquieu, la femme avait eu l'occasion darracher le pouvoir des mains de l'homme et de lui imposer la polyandrie. nous devrions admettre aussi que cette époque-là était l'âge d'or de la femme. mais nous savons avec certitude que l'époque pré-islamique de larabie était l'une des époques les plus noires de la vie de la femme. nous avons cité plus haut montesquieu qui disait que la polyandrie chez les naïrs n'était pas due à la domination de la femme, mais à la décision de la société d'épargner aux soldats le fardeau des responsabilités familiales.
en outre, si le patriarcat était responsable de la polygamie, pourquoi celle-ci ne s'est-elle pas répandue en occident ? après tout, le patriarcat n'est pas le propre de l'orient. les occidentaux ont-ils été dès le début des chrétiens pieux, croyant à l'égalité et aux rapports de réciprocité entre l'homme et la femme ? le facteur de la domination a-t-il joué au bénéfice de l'homme en orient, et pour la promotion de la justice en occident?
il y a encore un demi siècle seulement, la femme occidentale était parmi les femmes les plus malheureuses du monde. même ses propres biens se trouvaient entre les mains de son mari. les européens eux-mêmes admettent que pendant le moyen age la position de la femme orientale était de loin meilleure que celle de sa contemporaine occidentale. gustave le bon écrit : «au début de l'islam, la femme musulmane a obtenu une position que n'obtiendra la femme européenne que très longtemps après, c'est-à-dire après que les arabes de landalousie auront répandu les murs chevaleresques chez les européens -dont la galanterie constitue la partie la plus importante- et qui sont dues aux musulmans ; et la religion qui a pu arracher la femme à l'humiliation pour la conduire au sommet de la dignité et de l'honorabilité, c'est la religion musulmane et non chrétienne comme l'imagine le commun des mortels. nos chefs et dirigeants au moyen age -bien qu'ils fussent des chrétiens- navaient aucun respect pour la femme. une étude de l'histoire ancienne ne laisserait aucun doute sur la conduite barbare des ducs et des barons de l'europe envers la femme.»
dautres écrivains européens aussi ont fait une description plus ou moins similaire de la position lamentable de la femme au moyen age. bien que le patriarcat ait prévalu en europe durant cette période, la polygamie na pu y prendre racine.
le fait est que ni la polyandrie (où qu'elle fût pratiquée) ne fut jamais due au pouvoir et à la domination de la femme, ni son échec final n'eut pour cause la faiblesse et la répression de la femme. il en va de même pour la polygamie : ni sa pratique en orient n'est due à l'injustice et la domination de l'homme, ni son absence en occident n'est due à l'existence de l'égalité entre l'homme et la femme.
la principale cause de l'échec de la polyandrie réside dans le fait qu'elle ne convient ni à la nature de l'homme ni à celle de la femme. elle ne convient pas à la nature de l'homme, tout dabord parce qu'elle ne se conforme pas à son esprit monopolisateur, et ensuite parce qu'elle ne saccorde pas au principe qui veut qu'un père doive avoir la certitude de sa paternité. c'est la nature humaine qui veut que l'on sattache à ses enfants. tout être humain est, de par sa nature, enclin à avoir des enfants, et veut que sa relation avec les générations futures et passées soit déterminée et satisfaisante. il veut savoir qui sont son père et son enfant. la polyandrie ne saccorde pas avec cet instinct de l'homme. dautre part, la polygamie ne crée un tel problème ni pour l'homme ni pour la femme. on rapporte qu'un jour une quarantaine de femmes vinrent voir l'imam ali et lui demandèrent pourquoi l'islam avait permis à l'homme davoir plusieurs femmes et pas à la femme davoir plusieurs hommes, et si ce n'était pas là une discrimination. l'imam ali demanda alors qu'on apporte quelques verres d'eau et il en donna un à chaque femme. puis il leur ordonna de verser l'eau de tous les verres dans un grand récipient qui fut posé au milieu de la pièce. lorsqu'elles se furent exécutées, il leur demanda de remplir leurs verres vides avec la même eau que chacun contenait auparavant. les femmes dirent que ce n'était pas possible puisque l'eau de tous les verres était mélangée. l'imam ali dit alors que si une femme avait plusieurs hommes, elle aurait des rapports sexuels avec tous ces hommes, et lorsqu'elle tomberait enceinte et mettrait un enfant au monde, il serait impossible de savoir qui en serait le père.
concernant la femme, la polyandrie n'est ni dans son intérêt ni conforme à sa nature. la femme na pas besoin d'un mari uniquement pour satisfaire son instinct sexuel. si tel était le cas, on pourrait dire : "plus il y en a, mieux ça va". la femme veut un homme dont elle puisse contrôler le cur, qui puisse la protéger et la défendre, faire des sacrifices pour elle et travailler dur pour lui apporter de largent. largent que la femme gagne par son propre travail ne suffit pas à couvrir ses innombrables besoins, lesquels sont de loin plus larges que ceux de l'homme, ni na la même valeur morale que celui que lui offre son mari en signe damour et de tendresse. un mari pourvoit aux besoins financiers de sa femme dans un esprit de sacrifice. la femme et les enfants sont le meilleur stimulant pour encourager l'homme à travailler.
dans le cas de la polyandrie, la femme ne peut réclamer lamour, la dévotion et le sacrifice daucun homme. c'est pourquoi, comme la prostitution, elle a toujours été détestable pour la femme. de là, la polyandrie n'est conforme ni aux inclinations et manques de l'homme, ni à ceux de la femme.
dans le collectivisme sexuel, la femme nappartient à aucun homme en particulier, ni l'homme à aucune femme en particulier ; c'est pourquoi il na jamais été populaire. il avait été proposé par platon, qui le limitait à la classe dirigeante des "philosophes-gouvernants". mais sa proposition fut boudée par les gens, et lui-même dut revenir sur son opinion.
au siècle dernier, friedrich engels, le second père du communisme, a mis en avant cette idée et la défendue avec force. mais son idée ne fut pas acceptée par le monde communiste. on dit que l'union soviétique a essayé de mettre en application la théorie familiale d'engels, mais à la suite d'une expérience amère elle a finalement reconnu la monogamie comme la politique familiale officielle.
la polygamie pourrait être considérée comme un motif de fierté pour l'homme, alors que la polyandrie ne sera jamais un objet de fierté pour la femme. la raison en est que l'homme désire le corps de la femme, alors que celle-ci veut le cur de l'homme. tant que l'homme contrôle le corps de la femme, peu lui importe de posséder son cur. c'est pourquoi, il nattache pas beaucoup d'importance au fait qu'en cas de polygamie, il soit privé de lamour et des sentiments dévoués de la femme. alors que pour la femme, la chose principale et la plus importante, c'est le cur de l'homme et ses sentiments. si elle les perd, elle perd tout.
en dautres termes, il y a deux éléments importants dans la vie matrimoniale : l'un matériel, lautre sentimental. l'élément matériel du mariage est laspect sexuel, qui se trouve à son paroxysme pendant la jeunesse et qui va en déclinant par la suite. l'élément sentimental consiste en des sentiments tendres mutuels et en un dévouement à toute épreuve. il se développe et se renforce avec le temps. la nature de la femme étant différente de celle de l'homme, elle attache plus d'importance à laspect sentimental de la vie conjugale, alors que, pour l'homme, laspect matériel est le plus important, ou tout au moins aussi important que laspect sentimental.
nous avons déjà cité les propos d'une dame psychologue qui soutient que la femme a une disposition d'esprit qui lui est propre. l'enfant se développe dans son ventre et il est allaité dans son giron. elle vit donc dans un état psychologique particulier qui fait qu'elle a un besoin impérieux de lamour et de la tendresse du père de l'enfant. en outre, le degré de lamour de la femme pour ses enfants est lié dans une grande mesure au degré de son amour pour leur père qui a contribué à leur naissance. ce besoin psychologique chez la femme ne peut être satisfait que lorsqu'il y a un seul mari.
c'est pourquoi il est tout à fait erroné de considérer la polyandrie comme l'égale de la polygamie et de ne pas les distinguer l'une de lautre. et il est par conséquent aussi erroné de concevoir que la cause du succès de la polygamie dans certaines régions du monde est la domination de l'homme, et que la raison de l'échec de la femme de faire admettre la polyandrie est dû à sa faiblesse et son impuissance.
une femme, écrivain contemporain, dit : «nous pouvons dire que puisque l'homme a droit à quatre femmes, la femme devrait avoir le même droit, car tous les deux sont des êtres humains. cette conclusion logique fait peur aux hommes. ils sont irrités d'entendre un tel raisonnement et s'écrient : "comment une femme pourrait-elle avoir plus d'un mari ?" en réponse nous disons calmement : "comment un homme peut-il avoir plus d'une femme ?"»
et elle ajoute : «nous ne voulons pas promouvoir l'immoralité ni amoindrir l'importance de la chasteté. nous cherchons seulement à faire comprendre aux hommes que l'opinion qu'ils ont de la femme n'est fondée sur aucune base solide. l'homme et la femme sont égaux en tant qu'êtres humains. si l'homme a droit à quatre femmes, la femme aussi doit avoir le même droit. même s'il est admissible que la femme ne soit pas intellectuellement supérieure à l'homme, il est certain que spirituellement et sentimentalement elle ne lui est pas inférieure.»
comme on peut le constater à travers ces affirmations, on ne fait pas la distinction entre la polyandrie et la polygamie, sauf pour dire que l'homme étant du sexe le plus fort, il a adopté la polygamie à son propre avantage, et que la femme étant du sexe le plus faible, na pas pu imposer la polyandrie.
cette dame dit en outre que : «l'homme considère la femme comme étant sa propriété, et c'est pour cela qu'il veut en avoir plusieurs. en dautres termes, il veut acquérir autant de propriétés que possible. la femme, étant en position d'esclave, ne peut avoir plus d'un maître.»