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"de moi ! s'étonna `alî. je fais de dieu le témoin de mon innocence dans cette affaire. Ô mon dieu ! j'implore ta protection contre cette fausse accusation". puis, `alî déclara que seule l'épée pourrait arbitrer entre mu`âwiyeh et lui-même, et se tournant vers ziyâd ibn handhalah, qui était assis à côté de lui, il ordonna qu'une expédition contre la syrie soit proclamée, ordre que ziyâd communiqua rapidement aux gens.


le départ de talhah et de zubayr

talhah et zubayr, dont le désir de quitter médine avait été deux fois contrecarré, et qui voyaient à présent comment les événements tournaient, devinrent soucieux d'avoir leur liberté d'action et de mouvement, liberté dont ils ne pouvaient jouir tant qu'ils restaient à médine. encore une fois ils vinrent voir `alî et lui demandèrent de les laisser partir pour la mecque sous prétexte d'accomplir le pèlerinage mineur. `alî, qui avait compris leur véritable motivation, leur rappela leur déclaration faite librement lors de leur prestation de serment d'allégeance le jour de l'inauguration de son califat, et les laissa partir en leur disant qu'il s'attendait à des choses étranges de leur part, et que pour cette raison il insistait pour qu'ils mettent sous serment leur sincérité.

`alî commença la préparation de l'expédition vers la syrie, en faisant appel à l'assistance de toutes les provinces tout en recrutant à médine même. mais avant d'engager le combat contre mu`âwiyeh, il eut à faire face à une autre rébellion sérieuse, décrite en détail ci-après.


le plan de rébellion de `Âyechah

`Âyechah rencontra, sur son chemin de retour de la mecque, ibn om kalab, à sarif. celui-ci l'informa du meurtre de `othmân et de l'accession de `alî au califat. en apprenant ces nouvelles, elle se mit à crier : "ramenez-moi à la mecque" et de répéter : "par dieu ! `othmân était innocent, je vengerai son sang !" elle fut ramenée sur-le-champ à la mecque avec sa complice hafçah, et elle commença à y propager la sédition. dans ses "annals of the early caliphate" (pp. 351-352), sir w. muir fait la relation suivante de ce que fit `Âyechah concernant cet incident : "pendant le début de la période troublée de `othmân, `Âyechah, dit-on, contribua à l'exaspération du mécontentement du peuple à son égard. i1 est dit qu'elle était la complice des conspirateurs, parmi lesquels figurait son frère, mohammad fils d'abû bakr, comme un des principaux chefs. quand elle apprit la nouvelle de son assassinat, sur son chemin du retour de la mecque, elle déclara qu'elle vengerait la mort de `othmân. "quoi ! s'écria son informateur, étonné par son zèle. maintenant tu dis cela, alors que pas plus tard qu'hier tu incitais à le supprimer en tant qu'apostat ?" "oui! lui répondit-elle. car, bien qu'il se soit repenti de ce dont les rebelles l'accusaient, ils l'ont tué". en réponse, son informateur récita des vers tendant à dire : "tu étais la première à fomenter le mécontentement. tu nous commandais de tuer le prince pour son apostasie, et maintenant, etc... . en tout état de cause, on doit admettre que `Âyechah était une femme jalouse, violente et intriguante, caractère qui explique pour beaucoup ce qui paraîtrait bizarre autrement." en réalité, `Âyechah espérait que soit talhah soit zubayr succéderait à othmân, mais à présent ayant appris, contrairement à son espérance, l'élection de `alî qu'elle détestait, elle était extrêmement perturbée dans son esprit et se résolut à adopter une attitude d'hostilité ouverte. se déclarant vengeresse du sang de `othmân, elle persuada le grand et puissant clan des omayyades, auquel appartenait `othmân, de se joindre à sa cause. les omayyades qui résidaient encore à la mecque et ceux qui s'étaient enfuis de médine lors de l'accession de `alî au califat se rassemblèrent avec empressement sous son drapeau. les gouverneurs déposés de plusieurs provinces, entraînant avec eux facilement un grand nombre de mécontents, firent, eux aussi, les uns après les autres, cause commune avec elle. ya`lâ, l'ex-gouverneur du yémen lui fournit un moyen précieux de mener puissamment une guerre, en mettant à sa disposition le trésor qu'il avait emporté avec lui du yémen.


talhah et zubayr rejoignent `Âyechah dans sa rébellion

c'était environ quatre mois après le meurtre de `othmân que talhah et zubayr arrivèrent à la mecque et trouvèrent que les choses avaient bien progressé. ils avaient des liens de parenté avec `Âyechah dont la sœur cadette était une épouse de talhah (qui était également un cousin de son père abû bakr) et la sœur aînée une épouse de zubayr dont le fils, `abdullâh, avait été adopté par `Âyechah. malgré leur serment d'allégeance à `alî - serment dont ils disaient maintenant qu'il avait été pris sous la contrainte et qu'il était donc nul d'après eux ils exprimèrent leur désir d'épouser la cause de `Âyechah, cause qui, en cas de succès, servirait sûrement leurs intérêts. par conséquent, ils la rejoignirent et commencèrent à travailler contre `alî, déclarant aux factions de la mecque que les affaires de `alî se trouvaient dans des conditions bien troubles. " `Âyechah, talhah et zubayr, qui avaient été toujours des ennemis de `othmân et qui s'étaient affirmés, en fait, comme les organisateurs de sa mort et de sa destruction, lorsqu'ils virent `alî, qu'ils détestaient autant sinon plus que `othmân, investi de la fonction de calife, se servirent des amis réels et sincères de `othmân comme d'un instrument de leurs complots contre le nouveau calife. ainsi c'est pour des motifs très divers qu'ils se rassemblèrent tous sous le slogan de la vengeance du sang de `othmân" (simon ockley's his. sar., p. 294).

l'étendard de la rébellion fut hissé et le discours de ces personnages distingués était écouté avec un vif intérêt par les revanchards et factieux arabes dont les pères et frères avaient été tués par `alî lorsqu'il défendait le prophète et sa cause dans les différentes batailles qui avaient opposé l'islam naissant aux quraych païens à l'époque du prophète. beaucoup d'arabes mécontents s'assemblèrent sous l'étendard de la révolte. le trésor détourné par ibn `Âmir, le gouverneur déposé de basrah, fut utilisé par talhah et zubayr pour équiper leurs forces armées.


le conseil de guerre

les préparatifs de la guerre ayant été achevés, les dirigeants de la rébellion tinrent un conseil pour discuter du lieu où les opérations pourraient être menées avec succès. `Âyechah proposa de marcher sur médine et d'attaquer `alî dans sa capitale pour frapper à la racine, mais on lui objecta que le peuple de médine était unanimement acquis à `alî et qu'il était trop puissant pour être défait. quelqu'un suggéra de se diriger vers la syrie et de mener une attaque conjointe avec les insurgés de cette province, mais walîd ibn `oqbah s'opposa fermement à cette suggestion, déclarant que mu`âwiyeh n'approuverait pas la présence de ses supérieurs dans sa capitale, et encore moins le contr6le de ses armées par eux dans ces moments critiques, et que de plus il considérerait cela comme une ingérence dans son dessein d'accéder à l'indépendance, dessein qui l'avait en fait conduit à ne pas envoyer le secours demandé de lui en sa qualité de principal vassal de `othmân dont les jours qui lui restait à vivre étaient alors pourtant comptés. a la fin, talhah leur ayant affirmé qu'il avait un parti fort en sa faveur à basrah, et qu'il était sûr de la reddition de cette ville, on se résolut à faire mouvement vers celle-ci. par conséquent une proclamation par battement de tambour fut faite à travers les rues de la mecque, annonçant que `Âyechah, "la mère des croyants", accompagnée des dirigeants distingués, talhah et zubayr, se dirigeait personnellement vers basrah, que tous ceux qui désiraient venger l'atroce mort du "prince des croyants", c'est-à-dire othmân, et servir la cause de la foi, devaient se oindre à elle, même s'ils étaient sans équipement, car celui-ci leur serait fourni dès qu'ils se présenteraient.


`Âyechah incite om salma

`Âyechah demanda à om salma - une autre "mère des croyants" - qui se trouvait à la mecque pour le pèlerinage, de l'accompagner dans son aventure, mais elle repoussa avec indignation cette demande, et demanda à `Âyechah comment elle pouvait justifier sa violation des commandements du prophète en s'opposant à `alî qui était lui aussi calife dûment et unanimement élu par le peuple de médine et reconnu par les peuples de plusieurs provinces. et récitant cette parole du prophète : "`alî est mon lieutenant aussi bien de mon vivant qu'après ma mort. quiconque lui désobéit, me désobéit du même coup", elle demanda à `Âyechah si elle avait oui ou non entendu le prophète prononcer cette parole. elle répondit par l'affirmative. puis om salma lui rappela la prédiction du prophète, qu'il avait exprimée à l'adresse de ses femmes : "peu après ma mort, les chiens de hawab aboieront contre l'une de mes épouses qui sera parmi la bande rebelle. oh ! j'ai su qui elle était ! gare à toi, Ô homayra ! je crains que ce ne soit toi". en entendant ces démonstrations de la vérité, `Âyechah fut alarmée. continuant son avertissement, om salma dit : "ne te laisse pas égarer par talhah et zubayr. ils vont t'empêtrer dans l'erreur, mais ils ne seront pas capables de te sortir du courroux ni de la disgrâce qui te frapperont". `Âyechah retourna à son logis presque encline à renoncer à son plan, mais les adjurations de son fils adoptif, `abdullâh fils de zubayr, persuadèrent sa nature vindicative de se venger de l'homme qui s'était associé un jour au prophète en la suspectant de la fausse accusation dont elle avait fait l'objet " `Âyechah, faisant fi des contraintes de son sexe, se prépara à partir en campagne et à ameuter le peuple de basrah comme elle venait de le faire avec celui de la mecque. hafçah, la fille de `omar, une autre "mère des croyants", fut empêchée par son frère (qui venait de s'enfuir de médine et de se mettre à l'écart de toutes les parties) d'accompagner sa soeur; de veuvage" (muir's annals, p. 353).


la marche de `Âyechah sur basrah

a la fin, `Âyechah monta dans une litière sur le chameau al-`askar, et quitta la mecque à la tête de mille volontaires dont six cents montaient des chameaux quatre cents des chevaux. elle était accompagnée de talhah à sa droite et zubayr à sa gauche. sur son chemin, beaucoup de gens se joignirent à elle, gonflant le nombre de ses combattants à trois mille hommes. moghîrah ibn cho`bah, l'ex-gouvemeur de basrah et de kdfa, qui avait présidé à ces deux gouvernements à l'époque du calife `omar, et sa`îd, l'un des vétérans de la mecque, et un mohâjir de la première emigration, qui accompagnaient eux aussi la chevauchée, ayant des soupçons sur les vraies motivations de talhah et zubayr, demandèrent à ceux-ci qui serait calife en cas de victoire. "celui d'entre nous deux qui sera choisi par le peuple" fut leur réponse tout faite. "et pourquoi pas un fils de `othmân ?" demanda sa`îd. "parce que les plus âgés étant des chefs distingués et des muhâjidn, ne doivent pas être commandés", répondirent-ils. "mais je crois, dit sa`îd, que si l'objet de votre campagne est de venger la mort de `othmân son successeur de droit doit être son propre fils. or deux de ses fils, obân et walîd, sont déjà dans votre camp. votre nomination signifierait que, sous le prétexte de vouloir venger le calife assassiné, vous avez combattu dans votre propre intérêt". "en tout cas, répliquèrent-ils, il appartiendra aux hommes de médine de choisir quiconque ils voudront". moghîrah et sa`îd, se méfiant des dirigeants de la rébellion, décidèrent de se retirer, et en conséquence ils tournèrent leurs talons vers la mecque avec leurs partisans qui formaient une partie de l'armée rebelle. se tournant vers les troupes, alors qu'ils passaient près d'elles, ils s'écrièrent : "tuez les assassins de othmân, détruisez-les tous sans exception". moghîrah cria à l'adresse de marwân et d'autres : "où allez-vous traquer les meurtriers ? ils sont devant vos yeux sur les bosses de leurs chameaux (en pointant son doigt vers talhah, zubayr et `Âyechah). tuez-les et retournez chez vous. ils sont l'objet même de votre vengeance. ils ont trempé autant que tout autre dans cette sale affaire". l'armée continua toutefois sa marche, tout en reprenant à son compte, et à cor et à cri ce qu'elle venait d'entendre. on argua à son intention que la question de la succession était prématurée, et `Âyechah déclara que le choix d'un successeur était le droit exclusif des médinois et qu'il devait rester le leur comme auparavant. et pour éviter toute inquiétude supplémentaire, elle ordonna à `abdullâh, le fils de zubayr, de conduire les prières quotidiennes.


`Âyechah dans la vallée de hawab

sur leur route vers basrah, les rebelles apprirent que `alî, le calife, était sorti de médine pour les poursuivre. pour arriver à basrah sans interruption et sans obstacle `Âyechah ordonna qu'on changeât de route. quittant la route principale, ses armées s'engagèrent sur des sentiers en direction de basrah. pour dissiper l'ennui des longues nuits de l'automne, le guide passait son temps à chanter et occasionnellement à crier le nom de chaque vallée, désert ou village par lesquels on passait. arrivé une nuit à un lieu déterminé, il cria : "la vallée de hawab". frappée de stupeur par ce nom, un frisson traversa tout le corps de `Âyechah lorsque sur-le-champ les chiens du village entourèrent son chameau et se mirent à aboyer vers elle plus bruyamment. "quel est cet endroit ?" hurla-t-elle. le guide répéta sur le même ton habituel : "la vallée de hawab". la prédiction du prophète, récemment remise à sa mémoire par om salma, comme on vient de le noter un peu plus haut, s'empara maintenant de son esprit, et elle s'exclama en tremblant : "innâ lillâhi wa innâ ilayhî râje`ûn" (nous appartenons à dieu et nous devons retoumer à lui). faisant agenouiller son chameau, elle descendit de sa litière et gémit en lâchant un profond soupir : "hélas ! hélas ! je suis en fait la misérable femme de hawab. le prophète m'en avait déjà prévenue". elle déclara qu'elle ne ferait pas un pas de plus avec cette expédition de malheur. talhah et zubayr la pressèrent en vain de poursuivre son voyage, en lui racontant que le guide s'était trompé de nom et que cet endroit ne s'appelait pas hawab. ils subornèrent même cinquante témoins pour qu'ils le jurent, mais elle ne les crut pas et refusa d'avancer. on dit que ce fut le premier faux témoignage public survenu depuis l'avènement de l'islam. ainsi cette nuit-là, et toute la journée suivante, les rebelles restèrent à hawab. talhah et zubayr étaient déconcertés et ne savaient pas quoi faire. finalement, recourant à un stratagème intelligent, ils purent mettre l'armée sur pied en criant soudainement : "vite ! vite ! `alî s'approche rapidement pour nous surprendre". ce disant, ils commencèrent à détaler. `Âyechah, frappée de terreur, tourna tout de suite les talons, trouva son chameau et entra promptement dans sa litière. la marche fut ainsi reprise.


le campement de `Âyechah à khoraybah

dans sa hâte d'arriver à basrah l'armée rebelle avança rapidement et, arrivant près de la ville, elle campa à khoraybah. `Âyechah fit venir un notable de basrah, ahnaf ibn qays, et lui demanda de rejoindre son étendard. après quelques discussions sur le sujet, il refusa de prendre les armes contre le calife. mais décidé toutefois à rester neutre il quitta basrah avec six mille partisans et campa à wâdi-1-saba, dans les faubourgs de basrah. `Âyechah envoya un message à `othmân ibn honayf, le gouvemeur de basrah, l'invitant à venir la voir. ibn honayf enfila immédiatement son armure et, suivi d'un grand nombre de citoyens, se dirigea vers le campement de `Âyechah. mais à sa grande surprise, il trouva l'armée des insurgés déployés sur le terrain de manœuvre, suivie par un grand nombre de ses concitoyens factieux qui avaient en même temps rejoint `Âyechah pour se ranger de son c6té. des pourparlers s'engagèrent : "talhah et zubayr s'adressaient alternativement aux foules, et ils furent suivis par `Âyechah qui haranguait les gens du haut de son chameau. sa voix, qu'elle avait élevé pour se faire entendre par tout le monde, devint stridente et aiguë, au lieu d'être intelligible, ce qui suscita l'hilarité de la foule. une querelle éclata à propos de la justice de son appel, les différentes parties se mirent à échanger des injures, à se traiter de menteuses et à se lancer l'une contre l'autre de la poussière au visage. l'un des hommes de basrah se tourna alors vers `Âyechah et lui lança : "honte à toi, Ô mère des croyants !" et d'ajouter : "l'assassinat du calife était un crime cruel, mais moins abominable que ton oubli de ta condition et de ton sexe. pourquoi as-tu abandonné le calme de ta maison et ton voile protecteur pour monter comme un homme imberbe sur ce maudit chameau et fomenter querelles et dissensions parmi les fidèles ?" un autre homme de la foule s'écria, moqueur, aux visage de talhah et zubayr : "vous avez amené votre mère avec vous. pourquoi n'avez-vous pas amené vos femmes aussi?" des insultes fusèrent de partout, des épées furent tirées, et des escarmouches éclatèrent, et les antagonistes se battirent jusqu'à ce que l'heure de la prière les etlt séparés (w. inring's succ. of mohd., p.172).

les entrées de la cité étaient désormais hermétiquement fermées aux insurgés. quelques jours passèrent, pendant lesquels des escarmouches eurent lieu, causant des pertes sérieuses aux partisans du gouverneur et permettant aux insurgés de s'implanter un peu dans la ville. finalement une trêve fut conclue, aux termes de laquelle un messager serait envoyé à médine pour vérifier si talhah et zubayr avaient prêté serment d'allégeance à `alî, le jour de l'inauguration de son califat, volontairement ou sous la contrainte. dans le premier cas, ils devraient être traités en rebelles, et dans le second, leurs partisans à basrah auraient raison de soutenir leur cause. les insurgés, qui désiraient avoir une sérieuse occasion de vaincre le gouverneur et de prendre possession de la ville, acceptèrent cet arrangement pour gagner du temps. un messager fut ainsi envoyé à médine. lorsqu'il délivra sa commission, tout le monde garda le silence. a la fin, osâmah se leva et dit qu'ils avaient été contraints. mais cette affirmation lui aurait coûté la vie sans l'intervention de son ami sohayl, un homme d'influence et d'autorité, qui le prit sous sa protection et l'amena chez lui.

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