l'ecole d'ahl - ul - bayt: premiere des cinq ecoles

 

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(283)

un autre compagnon de l'imam al-Çâdiq raconte :

«un jour, j'ai dit à abî 'abdullâh [al-Çâdiq] : "il y a des gens qui prétendent que tu es un dieu, et ils nous récitent à ce propos des paroles "coraniques" : "c'est lui qui est dieu dans le ciel et dieu sur la terre."

«l'imam m'a répondu : "o sadir ! mon ouïe, ma vue, mon épiderme, ma chair, mon sang et mes cheveux sont innocents de ces gens-là ! allah les désavoue aussi. ces gens-là ne sont pas de ma religion, ni de la religion de mes parents. allah ne nous réunira pas le jour du jugement sans être en colère contre eux."»

(284)

de même que des groupuscules avaient attribué à l'imam al-bâqir et à l'imam al-Çâdiq des traits divins, et que ces deux derniers les ont désapprouvés, de même d'autres groupuscules affubleront l'imam mûsâ ibn ja'far -après sa mort- de traits semblables, en prétendant qu'il avait été élevé au ciel comme 'isâ [jésus fils de marie], et qu'il reviendrait plus tard. mais son fils, l'imam 'alî ibn mûsâ al-redhâ n'a pas tardé à réagir contre leurs affabulations, à les désavouer et à les maudire. ainsi, à différentes époques, des groupuscules Livres revenaient à la charge pour déformer les vrais mérites et la vraie doctrine "unicitaire" des saints imams d'ahl-ul-bayt, et à chaque fois ces derniers étaient toujours vigilants pour les désavouer, les stigmatiser et empêcher l'islam de se confondre avec la déviation et les doctrines intruses. et grâce à allah, ces groupuscules déviationnistes et égarés n'ont pas réussi à survivre et à subsister. il n'en reste que de mauvais souvenirs dans les livres d'histoire. toutefois, leurs tentatives malsaines de déformer l'islam ont fourni à des gens de mauvaise foi et à des esprits malveillants, sectaires, partisans etfanatiques, un prétexte pour déformer la vérité et persister à vouloir assimiler la doctrine d'ahl-ul-bayt à celle des ghulât, et à confondre les adeptes des ahl-ul-bayt -dont le souci majeur et le désir suprême sont d'appliquer scrupuleusement et sans faille les enseignements authentiques du noble coran et de la sunnah du prophète- avec ces brebis galeuses que sont les ghulât, dénoncés comme impies, à maintes reprises, par les ahl-ul-bayt et leurs vrais adeptes.

ceci étant dit, il est nécessaire que les musulmans sincères -de toutes tendances- qui sont attachés aux deux sources de la chari'ah, le saint coran et la sunnah du prophète, soient vigilants pour faire pièce à toutes les tentatives de semer la confusion, de susciter des doutes injustifiés, et d'inciter à la discorde.

les chercheurs et les savants savent très bien qu'il y a des déviationnistes issus de toutes les ecoles juridiques islamiques (mathâhib), et que des groupes qui professent le "jabr" et le "tajsîm" -en prétendant que "allah a un corps et un trône de sept empans de large sur lequel il s'assied, qu'il entrera son pied dans la géhenne le jour du jugement pour en éteindre la chaleur, et qu'il descendra au ciel de ce monde sur un âne blanc"- sont issus d'ecoles juridiques islamiques autres que le chi'isme. si les musulmans rejettent ces faussetés qui sont étrangères à l'islam et à sa doctrine "unicitaire", et dénoncent ceux qui les professent, ils ne jettent pas pour autant le discrédit sur l'ecole juridique islamique dont ils sont originaires ou dont ils se réclament injustement. les principes de l'education des ahl-ul-bayt 

'imam ja'far ibn muhammad al-Çâdiq a dit : «je déteste qu'un homme qui porte encore une des qualités du prophète, meure sans l'avoir mise en pratique.»

(285)

les ahl-ul-bayt ont pris soin d'éduquer leurs compagnons et leurs adeptes, et de les guider vers le droit chemin, afin qu'ils incarnent la doctrine, la morale, les lois et les concepts islamiques dans leur conduite et dans leur vie quotidienne. ils se sont appliqués à assurer aux musulmans une éducation inspirée des préceptes de saint coran et des traditions du prophète, afin de forger des personnalités islamiques qui servent d'exemples, reflètent la lumière de l'appel et, ce faisant, forment un courant islamique sain et capable d'accomplir la réforme sociale appropriée après que la société islamique eut subi les facteurs de subversion et de déviation.

si la conduite islamique irréprochable et impeccable des saints imams d'ahl-ul-bayt montrait combien ils étaient imprégnés des enseignements du saint coran et de la sunnah, les conseils et les recommandations qu'ils prodiguaient à leurs adeptes et partisans indiquaient qu'ilsn'avaient d'autre message à leur apporter que la nécessité de s'attacher au livre d'allah et aux traditions de son prophète, et qu'ils ne portaient d'autre titre que celui de gardiens légitimes de ces deux sources de la chari'ah. ainsi, l'imam abû ja'far muhammad al-bâqir n'a-t-il pas ménagé ses efforts pour dissiper les ambiguïtés qu'avaient créées certains de ses contemporains déviationnistes qui tentaient de déformer l'islam et de fausser la mission des ahl-ul-bayt en prétendant insidieusement que «pour être un bon musulman, il suffirait d'aimer ceux-ci [les ahl-ul-bayt] et d'en être le partisan, sans avoir besoin de s'acquitter des obligations prescrites». pour couper court à ce genre de déviations, l'imam al-bâqir a dit :

«... par allah, nous [les imams d'ahl-ul-bayt] n'avons pas de mandat d'allah ni n'avons de lien de parenté avec lui. nous n'avons aucun droit sur allah. on ne peut se rapprocher d'allah qu'en lui obéissant.

celui qui aura obéi à allah bénéficiera de son amour pour nous, et celui qui lui aura été désobéissant n'en bénéficiera pas.»

(286)

a 'amr ibn sâ'id ibn hilâl qui demandait à l'imam al-bâqir :

- «o abâ ja'far -que je sois sacrifié pour toi- je ne te vois presque qu'à des années d'intervalle ! donne-moi donc un conseil que je puisse suivre.»

l'imam dit : «je te recommande la crainte d'allah, la piété et l'effort. et sache qu'une piété sans effort est inutile...»

(287)

l'imam ja'far al-Çâdiq a laissé à l'un de ses compagnons, abî osâmah, le testament suivant, en lui demandant d'en transmettre le contenu à ses adeptes :

«... craignez allah, soyez [notre] ornement, et non pas un objet de reproche. attirez [par votre bonne conduite] vers nous l'affection, et éloignez de nous tout ce qui est blâmable. car on nous a attribué ce que nous ne prétendons pas être. nous avons un droit prescrit dans le livre d'allah, un lien de parenté avec le messager d'allah, une pureté accordée par allah et une bonne naissance qu'aucun autre ne peut s'attribuer sans être menteur

(288). multipliez l'invocation d'allah, le rappel de la mort, la lecture du coran et la prière sur le prophète, car prier sur lui apporte dix bienfaits.»

(289)

a un autre compagnon, ismâ'îl ibn 'ammâr, il a recommandé :

«je te recommande la crainte d'allah, la piété, la parole véridique, la restitution des dépôts, le bon voisinage, la multiplication des prosternations. c'est ce que le messager d'allah nous a ordonné de faire.»

(290)

hichâm ibn sâlim rapporte qu'il avait entendu l'imam al-Çâdiq dire à 'imrân :

«regarde celui qui est en-dessous de toi, et ne regarde pas celui qui est au-dessus de toi, cela te rendra plus satisfait de ton sort. pour avoir mieux, il faudrait le mériter d'allah. sache que peu de travail fondé sur la certitude est préférable pour allah au travail fondé sur l'incertitude. sache aussi qu'il n'y a pas de piété meilleure que l'éloignement de ce qu'allah a interdit, l'abstention de nuire aux musulmans et de médire d'eux, et que rien n'est plus joyeux que le bon caractère, qu'aucun bien n'est plus utile que la satisfaction d'une aisance méritant la récompense, et qu'aucune ignorance n'est pire que l'infatuation.»

(291)

l'imam al-Çâdiq rapportait souvent ce hadith du prophète :

«est bon croyant celui qui se mécontente d'une mauvaise action et se réjouit d'une bonne action.»

(292)

les saints imams d'ahl-ul-bayt se sont donc appliqués à former des adeptes qui incarnent cet idéal islamique, qui s'imprègnent des préceptes de l'islam, qui ne s'écartent pas des enseignements du saint coran et des stipulations de la sunnah, et qui reflètent intérieurement et extérieurement la piété islamique. leur désir fixe était d'amener le musulman à son but de se rapprocher le plus possible d'allah en se conformant de mieux en mieux aux recommandations du saint coran et de la sunnah, et d'éviter l'égarement en évitant les déviations et les fausses interprétations de ces deux sources de la chari'ah.

ils voulaient qu'un adepte d'ahl-ul-bayt soit reconnaissable avant tout à son attachement à l'intégrité du livre d'allah et des traditions du prophète, et à son incarnation de leurs enseignements.dès lors, tout musulman sincère, de quelque ecole juridique islamique soit-il, ne pourrait qu'aspirer à suivre leurs enseignements et leurs conseils, leurs recommandations et leur programme éducatif, et être fier d'appartenir à leur ecole et de s'en réclamer, tant que son désir suprême serait d'exécuter le mieux possible les ordres d'allah et d'appliquer de la meilleure façon les commandements de la sunnah de son prophète.   le role politique des ahl-ul-bayt

les musulmans connaissent la position des ahl-ul-bayt et leur droit sur la ummah, ainsi que le rôle politique qu'ils doivent y occuper, rôle de direction et d'imâmat, car ils se trouvèrent tout au long de l'histoire politique de l'islam au sommet de la pyramide politique et à l'avant-garde de l'opposition, soucieux qu'ils étaient d'apporter la réforme requise par l'islam, d'appliquer comme il se doit les statuts islamiques et de rétablir la justice.

si les ahl-ul-bayt furent souvent acculés au rôle de dirigeants de l'opposition dans l'histoire politique de la ummah islamique, c'estparce que, comme tous les connaisseurs de cette histoire le savent, le califat et la direction administrative des affaires des musulmans se sont érigés, après la fin du califat-bien-dirigé, en un royaume familial, une dynastie héréditaire et un pouvoir de domination et d'accaparement des biens et des postes, un pouvoir qui a suspendu les statuts de l'islam et les a soumis au gré de ses caprices et de ses intérêts personnels

(293). cette manipulation de la chari'ah et des intérêts de la ummah a provoqué des soulèvements, des révolutions et des luttes âpres qui ont causé des effusions de sang, la division et des troubles, et qui ont conduit à la naissance des pensées et des théories déviées situées aux deux extrêmes, les unes justifiant l'injustice et la domination des gouvernants sur la ummah, et appelant à la soumission et à la résignation, déclarant illicite toute opposition et toute velléité de revenir sur un serment d'allégeance prêté à un gouvernant injuste, et affirmant le devoir de l'accepter tel quel, tels que les qarâmitah (qarmates), les mazdakites et les kharamites, etc., saisissant l'occasion pour tenter de venir à bout de l'islam et de ses tenants en lançant des appels "jahilites" et en appelant à l'autorisation des interdits, à la violation des biens et des femmes, et à l'annulation des devoirs prescrits, d'autres encore, tels les khârijites et leurs Livres adeptes, incitant franchement à l'anarchie, à la subversion, à la légitimité de verser le sang et à considérer tous les autres qu'eux-mêmes comme des apostats.

dans cette atmosphère de luttes internes et de pensées troublées, les ahl-ul-bayt s'affirmèrent comme le seul recours missionnaire qui conduisait vers le courant sain et la voie du bon droit. c'est pourquoi les musulmans, des uléma ou des hommes simples - hormis les gens intéressés et ceux qui étaient liés au pouvoir - suivirent leur position et s'en tinrent à leur opinion. dans le chapitre suivant, nous nous efforcerons de parler brièvement de la méthode d'action politique des ahl-ul-bayt.


la methode d'action politique des ahl-ul-bayt

quiconque étudie la politique des ahl-ul-bayt, leur combat et leurs activités politiques, apparentes ou secrètes, pendant environ deux siècles et demi, peut remarquer que leur action reposait sur les principes suivants :

eduquer la ummah

eduquer la ummah afin qu'elle éprouve de l'aversion pour l'injustice, insister sur le concept de justice, expliquer l'idée de l'imamat et de la politique, clarifier les fondements du gouvernement et de la politique en islam, tout cela dans le but de développer la conscience politique de la communauté musulmane, de susciter sa colère contre les injustes et de la sortir de la léthargie. lorsqu'on remarque tout ce que les ahl-ul-bayt ont dit ou rapporté du prophète à ce propos, on comprendra l'importance de cette action dans la prise de conscience islamique de la ummah et dans l'approfondissement du sens de la politique chez les musulmans.

nous citons ci-après quelques paroles des ahl-ul-bayt, et quelques hadith rapportés par eux, concernant le pouvoir, les responsabilités du gouvernant musulman, le refus par l'islam de l'injustice et son appel à la justice, afin de découvrir un aspect de la pensée des ahl-ul-bayt et de leur méthode pour résister à l'injustice, susciter l'intérêt politique de la ummah et la pousser à la réforme et au changement.

selon un vieil homme de nakh', parlant de l'imam al-bâqir : «j'ai dit à abî ja'far : "j'ai été gouvereur depuis l'époque d'al-hajjâj jusqu'à aujourd'hui encore : mon repentir peut-il être accepté ?" l'imam a gardé le silence. lorsque j'ai reposé ma question, il m'a répondu : "non, pas avant d'avoir restitué à chaque ayant droit son dû."»

(294)

-abû hamzah al-thamâlî rapporte le témoignage suivant de muhammad al-bâqir :

«lorsque 'alî ibn al-hussayn fut sur le point de rendre l'âme, il m'a serré contre sa poitrine et m'a dit : "o mon fils ! je te recommande ce que mon père m'a recommandé au moment de sa mort, recommandation que son père lui avait faite : o mon fils ! garde-toi d'être injuste envers quelqu'un qui n'a personne d'autre qu'allah pour le défendre contre toi."»

(295)

-selon l'imam al-Çâdiq :

«il n'est pas pire injustice que celle dont la victime n'a qu'allah -il est puissant et glorifié- pour le soutenir.»

(296)

-l'imam al-Çâdiq a rapporté de son aïeul, le messager d'allah le hadith suivant :

«evitez l'injustice, car elle conduit aux ténèbres du jour de la résurrection.»

(297)

- l'imam al-Çâdiq a dit :

«allah -il est puissant et glorifié- a recommandé à l'un de ses prophètes se trouvant dans le royaume d'un despote d'aller voir celui-ci et de lui dire [de sa part] : "je ne t'ai pas employé pour que tu répandes le sang et amasses l'argent, mais pour que tu m'épargnes les cris des victimes d'injustices, car je ne suis pas insensible à l'injustice dont ils font l'objet, même s'ils sont des incroyants."»

(298)

-toujours selon l'imam al-Çâdiq :

«celui qui commet une injustice, celui qui l'y aide, et celui qui l'accepte sont tous trois des associés [des complices].»

(299)

- l'imam al-Çâdiq a dit aussi :

«celui qui justifie l'injustice d'un injuste, allah lui envoie quelqu'un qui lui fait une injustice, et lorsqu'il en fait appel à allah, celui-ci ne lui répond pas, et il ne le console pas de l'injustice qu'il a subie.»

(300)

-selon abû baçîr :

«deux hommes sont venus chez l'imam al-Çâdiq pour lui soumettre un litige qui les opposait. après les avoir écoutés, il a dit : "personne n'aura rien de bon à obtenir en gagnant par injustice. la victime d'injustice gagne par la dette que contracte auprès d'elle l'injuste plus que ne gagne celui-ci du bien de la victime de l'injustice."

et d'ajouter : "celui qui fait du mal aux gens ne doit pas protester contre le mal qui lui serait fait. les descendants d'adam récoltent seulement ce qu'ils plantent. personne ne récoltera quelque chose de doux de quelque chose d'amer, ni quelque chose d'amer de quelque chose de doux." entendant ces propos, les deux hommes se sont réconciliés avant de partir.»

(301)

-les saints imams d'ahl-ul-bayt ont rapporté le hadith suivant du prophète :

«quiconque accompagne un injuste pour l'aider en sachant qu'il est injuste, aura quitté l'islam.»

(302)

- ils ont aussi rapporté du prophète cet autre hadith:

«la justice d'une heure vaut mieux que l'adoration de soixante-dix ans pendant lesquels on veillerait la nuit [en accomplissant des actes d'adoration] et on jeûnerait le jour. l'injustice d'une heure concernant un jugement est plus grave aux yeux d'allah que les péchés de soixante ans.»

(303)

- selon jâbir ibn 'abdullâh al-ançârî, le prophète a dit :

«celui qui contente un gouvernant en commettant ce qui attire la colère d'allah, sort de la religion d'allah.»

(304)

-selon le prophète :

«quiconque est chargé d'administrer dix personnes et ne fait pas preuve de justice entre elles, se présentera le jour de la résurrection avec des mains, des pieds et une tête troués à coups de marteau.»

(305)

-le commandeur des croyants, l'imam 'alî ibn abî tâlib a dit :

«tout homme à qui on assigne une responsabilité dans les affaires des musulmans et qui ferme sa porte devant ceux-ci pour rester tranquille, sera détesté et maudit par allah -il est puissant et glorifié- jusqu'à ce qu'il ouvre sa porte et laisse entrer tous les solliciteurs et quiconque a une requête à présenter.»

(306)

ainsi, ces exemples montrent combien les ahl-ul-bayt s'attachaient à rendre vigilants les musulmans pour ce qui concerne les qualités des gouvernants musulmans et leur façon de gouverner.

le boycottage des gouvernants qui s'écartent de la ligne de l'islam

la deuxième méthode d'action politique qu'ont adoptée les ahl-ul-bayt était le boycottage et l'incitation au boycottage des gouvernants qui persistaient à s'écarter de la ligne politique islamique telle qu'elle est définie par le saint coran et la sunnah.

parmi les hadith que nous venons de citer, il y en a au moins deux qui sont attribués au prophète et qui mettent nettement en garde quiconque se tait sur une injustice ou approuve un injuste :

«quiconque accompagne un injuste pour l'aider en sachant qu'il est injuste, aura quitté l'islam.» et :

«celui qui commet une injustice, celui qui l'y aide, et celui qui l'accepte sont tous trois des associés [des complices].»

l'appel au boycottage des injustes et au refus de les assister est donc clair, et ne souffre aucune ambiguïté. le hadith suivant du prophète confirme les précédents, et leur donne encore plus de précision :

«le jour de la résurrection, un crieur s'écriera : "où sont les injustes et leurs complices ? qu'on place avec les injustes quiconque leur avait préparé un encrier, attaché un sac, ou tendu un crayon."»

(307)

la mise en application de cet appel au boycottage des gouvernants injustes est l'attitude des saints imams d'ahl-ul-bayt vis-à-vis des gouvernants omayyades et abbassides, à l'époque de l'imamat de 'alî ibn al-hussayn al-sajjâd, de muhammad ibn 'alî al-bâqir, de ja'far ibn muhammad al-Çâdiq, de mûsâ ibn ja'far al-kâdhim, de 'alî ibn mûsâ al-redhâ

(308), de muhammad ibn 'alî al-jawâd

(309)

, de 'alî ibn muhammad al-hâdî, et d'al-hassan ibn 'alî al-'askarî.

tout au long de cette période de boycottage et de refus de coopération avec les gouvernants, les saints imams d'ahl-ul-bayt ont subi toutes sortes de persécutions, de répression, de surveillance, d'emprisonnement, de proscription et de terreur que nous expliquerons partiellement dans ce livre.

prenons un exemple de ce boycottage dans l'attitude de l'imam al-Çâdiq face au calife abbasside, abû ja'far al-mançûr, connu pour sa brutalité, la terreur sanguinaire qu'il faisait régner, et son injustice envers les descendants de l'imam 'alî. selon les historiens, al-mançûr a écrit une lettre à l'imam al-Çâdiq, dans laquelle il lui proposait de le fréquenter et de devenir l'un des uléma (savants religieux) du pouvoir. l'imam al-Çâdiq a décliné cet "honneur" et a opposé un refus catégorique à l'offre du calife, malgré la terreur et la sévérité des circonstances. dans sa lettre, al-mançûr écrivait notamment :

«... et pourquoi ne nous crains-tu pas, comme tout le monde ?» al-Çâdiq lui répondit : «nous n'avons rien pour quoi nous devrions te craindre, et toi tu n'as rien de l'autre monde pour quoi nous placerions notre espoir en toi. tu ne vis pas dans un bienfait pour lequel nous devrions te féliciter, ni dans l'adversité pour que nous te présentions nos regrets.» al-mançûr lui écrivit alors : «accompagne-nous donc, pour nous conseiller !» l'imam al-Çâdiq répondit : «celui qui veut ce bas-monde ne te conseille pas, et celui qui cherche l'autre monde ne saurait être de ta compagnie.»

(310)

la réponse de l'imam al-Çâdiq était on ne peut plus claire quant à son refus de collaborer ou de coopérer avec des gouvernants pratiquant l'injustice et refusant de se conformer aux stipulations de la chari'ah, ou d'observer ses principes.

les faqîh de l'ecole d'ahl-ul-bayt ont observé et suivi scrupuleusement l'attitude de leurs imams et ont décrété l'interdiction de coopérer avec les gouvernants injustes, et d'accepter d'être leur fonctionnaire.

tous les faqîh ont souligné cette interdiction dans les livres de jurisprudence, au chapitre des "gains interdits". citons-en un exemple , en l'occurrence ce qu'a écrit le martyr muhammad ibn jamâl makkî al-'amilî

(311), connu sous l'appellation de "ach-chahîd al-awwâl" (le premier martyr), en parlant des gains prohibés, et en les énumérant:

«... ainsi qu'aider les injustes à commettre des injustices (...) en écrivant pour eux ou en leur amenant la victime d'une injustice, etc.»

(312)

les faqîh ont interdit l'acceptation d'un poste sous la direction d'un injuste, ou dans tout autre secteur gouvernemental, sauf si c'est dans le but de servir l'islam et de réparer l'injustice à partir du poste que l'on accepte d'occuper.

le soulèvement, le soutien aux révoltés et l'usage de la force

le principe du soulèvement contre l'injuste et du refus de l'injustice est un principe islamique que l'obligation de la commanderie du bien et de l'interdiction du mal approuve et engage les musulmans à observer.

en effet, le prophète a dit :

«le maître des martyrs hamzah s'est soulevé contre un gouvernant injuste. il lui a ordonné de faire le bien, et lui a interdit de faire le mal, et le gouvernant injuste l'a tué.»

or quiconque retrace la vie politique des ahl-ul-bayt, ainsi que leur lutte, remarque qu'ils formaient une ligne d'opposition, les tenants de la réforme et de la lutte contre l'injustice, et les dirigeants de la marche politique de la ummah. ils ont ainsi refusé la pratique du règne héréditaire imposé à la ummah à l'époque de mu'âwiyeh ibn abî sufyân, et l'accession du fils de celui-ci -yazîd- au califat malgré le refus des musulmans, en raison de son incompétence et de son absence de qualification pour cette dignité, puisqu'il ne remplissait aucune des conditions requises pour le califat. lorsque yazîd ibn mu'âwiyeh a pris la direction de l'etat islamique, et a conduit la ummah à la corruption et à la déviation, l'imam al-hussayn, le petit-fils chéri du prophète, ne pouvait que proclamer l'insurrection contre cette atteinte honteuse à la dignité et à l'honneur de l'islam, incarnée par l'avènement de yazîd. l'imam al-hussayn a quitté médine pour l'iraq, après être resté quatre mois à la mecque pour préparer son soulèvement. une fois en iraq, plus précisément à karbalâ', son soulèvement a pris sa forme finale, et il a décidé de s'engager dans un combat désespéré contre les forces de yazîd, combat héroïque au terme duquel il est tombé en martyr avec plus de soixante-dix de ses compagnons. ce combat, et ce martyre du petit-fils du prophète et de dizaines de musulmans pieux, ont brisé le coeur de l'ensemble de la ummah, réveillé sa conscience, et attiré l'attention des musulmans sur le caractère hideux et déviationniste du règne de yazîd et des autres descendants des tulaqâ'

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